Agnan Kroichvili
27 œuvres par Agnan Kroichvili (Sélection)
Télécharger en PDF2011-Lancharre-Pierres écloses et empreintes de sept lieux- Mégemont • 27 œuvres
Exposition à Chapaize et Lancharre
Du 16 septembre au 2 octobre 2011
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L’exposition - installation présentée est une suite logique, après les expositions-installations de Baume-les-messieurs et Gigny sur Suran en 2009 et 2010, présentées par le Conseil Général du Jura, dans le cadre de l’anniversaire de l’Abbaye de Cluny fondée en 910 par l’abbé Bernon et douze moines de ces deux abbayes. Suite logique car la pré-connaissance des dalles funéraires de Lancharre m’a ouvert les yeux, bien plus tard sur celles de Baume-les-messieurs, de Gigny sur Suran et sur bien d’autres aujourd’hui. Suite logique du fait de la proximité de Lancharre et de Chapaize avec Cluny et de leur appartenance commune à l’ordre bénédictin. Et pour finir, au-delà du lien spirituel : un lien de sang découvert entre Marguerite de Germolles de Lancharre et Jean de la Grange (de Germolles) aussi prieur de Gigny sur Suran.
Voilà qui m’incite à réagir en ces lieux.
« Pierres écloses »
Le titre de l’exposition-installation évoque à la fois le renouveau de Lancharre : « un nouvel écrin pour ces témoins du temps », de par sa restauration, et l’éclosion printanière après un endormissement (paupières closes) dans un lieu clos, ce béguinage.
Le parcours est une invitation à poser un nouveau regard sur les dalles et leur dessein en transcendant leur caractère funéraire par une résurrection re-soulignant l’intelligence et la beauté du trait, une transfiguration libre provoquée par différentes variations infinies.
Le support, des toiles sans châssis, comme des bannières, nous libère du cadre, en gardant un caractère éthéré aux tableaux, que chaque dalle érigée, puisse être libre dans le vent des courants d’air, la dimension de ces dalles et leur poids n’autorisant guère ce déplacement.
La peinture seule autorise les empreintes, un double comme par magie, une coïncidence. Encore une autre similitude historique : l’image transférée sur le Saint Suaire ou sur le voile de Véronique, une empreinte sur tissu, un linge.
Comment ne pas mettre en relation aussi ce travail avec une démarche plus contemporaine sur le multiple par la sérigraphie ?
La multiplication du motif des dalles, comme des pétales, et les différentes interprétations qui en découlent donnent une transposition contemporaine aux vivants, comme une transcription gravée sur les supports modernes des partitions de musique ancienne.
Pour élargir la réflexion une comparaison avec les brass-rubbing en Angleterre s’impose. Ce procédé peu connu en France a une certaine analogie avec ma démarche. Il s’agit de révéler par frottage avec des craies sur une feuille de papier, la gravure des dalles funéraires qui sont majoritairement recouvertes de laiton, particularité rare en France. Cette technique reste une copie. A ma connaissance, la peinture n’a jamais été utilisée jusque là comme médium.
Ne doit-on pas lire aussi en filigrane à travers ces images et ces mots rappelant les manuscrits et leur enluminure, l’invention de l’imprimerie grâce à la gravure ?
Des peintres du Fayoum, aux icônes russes de la tradition byzantine et les oklad qui les recouvrent, aux pierres plates ou pierres tumulaires, il me semble qu’il n’y a qu’un pas jusqu’à ce qui me parait être l'achèvement de cet art funéraire : les danses macabres. Certaines compositions, de par le trait et leur diaphane transparence volontairement ainsi créée, nous renvoient à l’art du vitrail qui semble en être le prolongement par leur préfiguration de la pierre au verre. D’autres, de par la matière, évoquent les lourdes et riches tapisseries d’un autre temps.
Ces réalisations ne se situent-elles pas à cette période charnière du passage de l’art roman à l’art gothique où les vitraux et la sculpture prendront ensuite le dessus ?
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Je me propose après avoir travaillé pendant trois ans sur l’anniversaire de la fondation de Cluny de présenter en l’abbaye de Mégemont, plusieurs œuvres accomplies à partir des dalles funéraires de différents sites tels que Baume-les-messieurs, Gigny sur Suran, Ainay de Lyon etc…Au total plus de 15 matrices ont été réalisées.
Bien qu’il s’agisse d’une abbaye cistercienne, nous savons que la fondation de Cluny marque un tournant à l’approche de l’an mil, le sol de France se recouvrant de « la robe blanche des églises ». Nous savons que l’ordre cistercien découle du même ordre que celui de Cluny avec une règle commune : celle de St Benoit appliquée avec une plus stricte observance.
Mon attention à la lecture de l’histoire du lieu a été attirée par le fait qu’en 1612, les moines laissent le monastère de la la Bénisson Dieu aux bernardines de Mégemont sous l’administration de la jeune abbesse Françoise de Nérestang, sœur de Claude, abbé du lieu ainsi échangé.
La présence sur le site de la Bénisson Dieu de trois dalles funéraires dont deux d’abbés et une du chevalier de L’Espinasse et de sa femme m’incite à ce rapprochement.
en mémoire de cette permutation des deux lieux, symbolisant le lien spirituel et de sang qui les unit.
Ces pierres tombales, classées Monuments Historiques en 1898, ont été relevées en 1933 par mesure de sauvegarde. Les voici aujourd’hui au fur et à mesure de notre cheminement, devant nous, par ce second relevé, révélées à notre regard.
De ce tracé du dessin au cœur de la pierre, à cette trace déposée, les voici dans l’attente de notre relecture au second degré.
Manifestation de l’esprit, paraphrasant le psaume 48-1
« Ma main tracera des lignes et des courbes
Une image à l’unisson de mon cœur
L’œil attentif aux signes,
J’exposerai sur les cimaises mon énigme ».