Dubuffet disait : « L'art doit emprunter le langage du matériau ».
Cela, Patricia Blin l'a bien compris. Pour elle, créer commence par un long effort de recherche : elle constitue patiemment une véritable collection de petits bouts de magazines, de papiers d'emballage ou de soie, tous sélectionnés pour leur structure, leur graphisme, leur « architecture ». Méthodiquement classés, ces éléments sont compulsés et triés sans cesse. Au fur et à mesure de ces « lectures », les strates s'organisent : les plus fécondes émergent à la surface. Une fois mis au jour, ces germes d'œuvres peuvent éclater.
Ces collages se font sur une toile en général déjà peinte ; Patricia Blin la recouvre en la laissant toutefois apparaître toujours. La toile peinte change ainsi de visage sans oublier ce qu'elle fut ; un élément vient alors s'y coller, entraînant à sa suite d'autres fragments... Le petit morceau déclencheur de l'œuvre peu à peu se recouvre : il s'enfonce désormais sous le matériau artistique qu’il a appelé sans jamais disparaître totalement.
D'un travail à l'autre, des formes oblongues et des lignes ondoyantes se retrouvent ; des trublions aux couleurs vives, mis là en surimpression, viennent jouer les troubles fêtes parmi tout ce petit monde. Ces « agitateurs visuels » apportent le mouvement dynamique et rythmé au tableau, animant, par le dialogue des couleurs, des compositions solides.
Cette énergie est également visible dans la création même de l'artiste, toujours partagée entre plusieurs projets menés de front. Cette présence, que l'on pourrait croire dispersée, se rassemble dans un goût certain pour les polyptyques. Il faut plusieurs toiles, d'abord, pour que tout ce qu'elle a collecté, ces « familles de saturés », puissent s'épanouir pleinement ; plusieurs toiles ensuite, pour que l'artiste se jette dedans, entière et sans limite ; plusieurs toiles encore, pour que ces couches de peinture se recouvrent d'autres, de papiers, crayonnées et retouchées au feutre et à l'encre ; plusieurs toiles, enfin, diverses certes mais unies dans une seule œuvre, pour que celle-ci soit menée à bien.
Paris, le 30 avril 2013.
Célian de Préval.
