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Retour à la liste Ajouté le 21 avr. 2011

Chacun son chemin à travers l'espace, les couleurs et les gestes. Celui de Niko, née à Montréal au sein d'une famille d'artistes, porte les traces d'un nomadisme dans des contrées glamour. L'artiste ayant évolué dans le domaine de la mode et voyagé à travers le monde, tout procède chez elle à la mise en exergue de cet univers d'apparences qui cultive l'image, comme s'il s'agissait d'une oeuvre biographique.

Entre les traits et les lignes, les coups impulsifs, les couleurs vives et les contrastes, ces femmes vibrant de l'éclat d'une sensualité exacerbée, exprimée par leurs lèvres pulpeuses et souvent fardées, première et incontournable provocation pour le regard, le questionnement de l'artiste, - ou serait-ce le nôtre ? - s'écrit. À chacun d'en découvrir le sens. L'oeuvre picturale peut être traduite instantanément dans toutes les langues, mais selon ses perceptions et ses filtres, chacun en donne une interprétation différente. Mais on parle rarement de la violence qui s'exerce contre la beauté physique. Dans une société d'apparences axée sur l'éternelle jeunesse d'un visage parfait, comme d'un idéal, on oublie que derrière ce visage, comme sous un masque, il peut y avoir une conscience douloureuse des effets, mais aussi des conséquences parfois lourdes de la beauté et de ses standards. Dans un système duel, il y a toujours une face cachée, un côté sombre. Une violence souvent invisible s'épanouit dans les coulisses des semblants.

«Une belle femme suscite autant l'envie, le désir et l'adulation que... l'inverse», reconnaît Niko. On lui cherchera plus volontiers des défauts. On la défigurera au passage d'un regard méprisant, souvent chargé d'une pointe de jalousie. Les femmes ne l'aiment pas toujours, par la comparaison de leurs attributs physiques respectifs ou à la lumière de leurs valeurs féministes ou idéologiques. Des hommes oublient qu'elle n'est pas qu'une belle enveloppe, une proie sexuelle ou un trophée à exhiber avec orgueil à son bras... Comme toutes les autres femmes, elle peut avoir de l'esprit, comme elle peut ne pas en avoir du tout. On excusera la sottise des premières, mais le jugement sera souvent implacable dans son cas. Une arme facile pour tuer la beauté. «Certaines femmes sont tellement déstabilisées par le regard de l'homme, dont elles sont dépendantes, qu'elles en perdent la maîtrise de leurs émotions et perçoivent les autres femmes comme des rivales. Elles cherchent à plaire à tout prix, plutôt que de travailler à être bien intérieurement et à se sentir mieux dans leur peau. La beauté en en tout et partout à qui sait la voir, mais elle est d'abord en soi.»

Dans l'oeuvre de Niko, les visages de femmes au maquillage accentué et au regard souvent désabusé, sinon étrangement fixe, sont certes porteurs de sens. Donnent-elles une autre image d'elles-mêmes? Une image décalée ? Toute femme face à un appareil photographique prend obligatoirement la pose. Et celle qui fuit l'objectif fuit probablement aussi autre chose? Un regard immortel fixé sur du papier glacé. Les circonstances ne sont pas imprévues. Ce côté figé et artificiel, comme un miroir, nous renvoie un reflet familier que peut-être nous aimerions mieux ne pas voir?

Un regard métamorphosé

Dans sa nouvelle production, la femme, seule ou avec d'autres, toujours au centre de la toile, change souvent de couleur de peau et de décor, mais il y a plus. Le regard est différent. «Mon regard sur moi et sur les autres femmes est aussi différent, avoue Niko. La dimension du respect, me respecter, se reflète dans mes compositions. On me disait souvent que le regard de mes femmes était mystérieux ou triste. Maintenant, leur regard est plus paisible, plus serein, mais aussi plus direct. C'est probablement parce que je n'ai plus rien à cacher. Face aux regards masculins, je suis aussi plus détachée. Dans ma vie, comme dans mon oeuvre, je laisse aller. Auparavant, je cherchais à plaire, j'exerçais un contrôle sur mon geste. Il est évident que Les Monologues du vagin ont contribué à ma réflexion face à ma vie, ma sexualité et mon art. Et ce questionnement se poursuit...»

Niko a fréquenté l'école des Beaux-arts la Renaissance. Elle s'est aussi perfectionnée en dessin à l'école Saidye Bronfman. Elle a plus particulièrement étudié le portrait et en a fait sa spécialité. Elle tire de la méditation et du yoga - une pratique quotidienne, indispensable à son équilibre -, une énergie pour peindre, mais aussi pour se dépasser sur le plan humain. «Je suis de moins en moins axée sur les apparences et l'avoir, donc plaire aux amateurs d'art et vendre mes toiles, ce qui créait auparavant une tension. Et plus je suis détachée de tout cela, plus je suis sereine et plus je m'amuse en créant.»

De son association avec Les Monologues du vagin, elle tire une légitime fierté, autant à titre d'artiste peintre que de femme. «C'est un sentiment de gratitude qui m'habite, précise-t-elle.» Le respect, l'estime de soi, la solidarité et le dialogue fécond entre les femmes et le refus de la violence sont désormais au coeur de sa démarche. En s'ouvrant à la réalité des autres femmes et à des points de vue différents du sien, elle favorise sa propre évolution et explore de nouveaux horizons. Des sujets qui n'auraient peut-être pas retenu son attention, si elle n'y avait pas été aussi directement confrontée, guident désormais son inspiration, comme en font foi ses dernières toiles. Une évolution à suivre.

* par Louise-Marie Bédard

Artmajeur

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