Gabriel Claude Ancenis
Claude Gabriel ist eine meditative, ein Mann der Stille.
Dies ist weit von der Hektik des Alltags, in das Geheimnis seiner Einsiedelei, Inspiration findet er.
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Bewertung des Künstlers, Biografie, Atelier eines Künstlers:
2023 • 1 kunstwerk
Alle ansehen2022 • 1 kunstwerk
Alle ansehen2021 • 2 Kunstwerke
Alle ansehenPhotographies • 3 Kunstwerke
Alle ansehen2019 • 7 Kunstwerke
Alle ansehenSymbole de croisements, de croisées de chemins, de carrefours.
2018 Installation: "Traverser la Nef" • 5 Kunstwerke
Alle ansehenTitre de l'installation "Traverser la Nef"
Grands formats (2) • 3 Kunstwerke
Alle ansehenGrands formats • 5 Kunstwerke
Alle ansehenSérie • 6 Kunstwerke
Alle ansehenPetits formats • 2 Kunstwerke
Alle ansehenAnerkennung
Übt den Beruf des Künstlers als Haupttätigkeit aus
Biografie
Claude Gabriel ist eine meditative, ein Mann der Stille.
Dies ist weit von der Hektik des Alltags, in das Geheimnis seiner Einsiedelei, Inspiration findet er.
- Nationalität: FRANKREICH
- Geburtsdatum : unbekanntes datum
- Künstlerische Domänen: Werke von professionellen Künstlern,
- Gruppen: Professioneller Künstler Zeitgenössische Französische Künstler
Einflüsse
Ausbildung
Künstlerwert zertifiziert
Erfolge
Aktivität auf Artmajeur
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Alle Neuigkeiten vom zeitgenössischen Künstler Gabriel Claude Ancenis
Que dire de plus ?
La sacrée écriture
Face à l’œuvre d’un peintre (la sienne ou celle d’un autre), Gabriel Claude interroge : « Qu’y a-t-il à dire de plus ? ». Il ne va pas de soi, pourtant, que la peinture « dise » quoi que ce soit.
D’un autre côté, tout pousse à croire, ici, qu’entre la peinture et l’écriture s’instaure une équivalence énigmatique. GC procède en inventant (en retrouvant ?) un alphabet, des symboles préexistants. Quelques rapprochements paraissent pensables, en tout cas – notamment avec l’écriture cunéiforme.
Une rhétorique, même, parfois, semble pouvoir être repérée, des « antithèses », par exemple. GC a peint L’Orange et le Gris, comme Stendhal a écrit Le Rouge et le Noir. À condition de préciser que le mot le plus mystérieux, dans les deux cas, est la conjonction copulative : « et ».
Tout se passe comme si les toiles pouvaient « subir » les manipulations que l’on réserve d’habitude au langage : des « tests » ou des « épreuves » de déplacement, de remplacement, d’effacement. Maint tableau se prête, en dépit du « bon sens », à un renversement. La peinture de GC nous laisse heureusement désorientés, au sens plein et premier : les anciennes cartes étaient, à la lettre, « orientées » vers l’Est (non vers le Nord) : vers Jérusalem. Mais où trouver la « vraie » Jérusalem (céleste) ?
Parmi les indices de sacralisation : le goût de GC pour le triptyque, ou la « trinité » des images. Peut-être est-ce là aussi un écho lointain, quasi nostalgique, au Modèle du Grand Récit. On le sait, au moins depuis Aristote : une histoire, c’est ce qui a un début, un milieu, et une fin. Les triptyques de GC organisent souvent des effets de symétrie entre le volet 1 et le volet 3. Mais que se passe-t-il au beau Milieu ? Qu’y a-t-il entre l’Alpha et l’Oméga, la Genèse et l’Apocalypse ?
Devant un diptyque de Gabriel Claude, frappent les convergences, les ressemblances. Un tel dispositif nous invite alors à partir à la recherche de la « plus petite différence » (Freud) ; il nous condamne à la scrutation. De quoi confirmer le fameux postulat de Sartre, selon lequel « toute technique implique une métaphysique ».
Quelle technique-métaphysique ? On pense aux divers étymons du mot religion : religare, religere, re-eligere ; relier, relire, accorder une attention scrupuleuse, ré-élire. Le concert des discordances commence dès l’antiquité (Servius, Lactance, Cicéron, Augustin) : on passe son temps à « relire », et avec « attention », le mot, sans que ses sens ne se « relient ». Plus près de nous, Benveniste, avant de finir aphasique en griffonnant le mot « Theo »1, disait avoir découvert le sens primitif de « religion » – enquête déconstruite, ou plutôt : détruite par Derrida. Le tourniquet des mots-sources confirme, s’il en était besoin, à quel point la « religion », dès le mot même qui la fonde, peut susciter un « conflit des interprétations ». Même (surtout ?) dans les mots les plus simples, nous ne savons pas vraiment ce que nous disons. Ni, devant les images les plus dépouillées, ce que nous voyons.
Comment « créer » ? En commençant par le Commencement de la Création. C’est à la lumière d’une cosmogonie que la peinture peut affronter le Tout du monde –, au risque de l’irreprésentable. Ainsi Au Commencement (Gn 1) fait songer à un retable d’église, plus précisément au Jardin des délices, en situation originelle. Dans une église, à l’inverse d’un musée, un triptyque reste souvent fermé : le recto coloré demeure alors caché, tandis que le verso apparent, informé, chez Bosch, par un camaïeu de gris, dit quelque chose du troisième jour de la création. La toile de GC, qui couvre tout Gn 1, enregistre, quant à elle, l’origine des couleurs, les petites nuances moirées in statu nascendi. Avec elle, nous découvrons et dépassons la materia prima indifférenciée de l’alchimie ; nous entrons dans le temps du « pas encore » et du « déjà là » ; nous plongeons dans ce que Roland Barthes appelle la « matière-Dieu ».
Le signe-signature
Quel est le « vrai » nom du peintre ? « Claude Gabriel-Henri » (à en croire son adresse électronique). Ailleurs (sur le site art majeur), il semble doté de trois prénoms : « Gabriel Claude A. » De quoi déjouer (ou, à l’inverse, réveiller) le fétichisme cratylien qui cherche l’être dans le nom « propre ». Apparaissant en position finale, l’initiale A entretient un rapport étrange au Commencement, à l’Alpha (chrétien) ou à l’Aleph (borgésien). Du langage, les rudiments sont toujours sous-estimés. Non sans raison : les interroger n’est pas sans danger. A(rthur Rimbaud) y insiste, dans l’une des deux lettres « du voyant » : « Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ». C’est, finalement, de théologie et/ou de mystique qu’il est question, comme le confirme l’évangile apocryphe du Pseudo-Thomas, où le Christ enfant malmène le maître d’école (Zachée) qui prétend lui enseigner les lettres de l’alphabet : « Toi, qui ne connais pas les significations de l’alpha, comment veux-tu apprendre aux autres le bêta ? Hypocrite, enseigne d’abord l’alpha, si tu le connais et alors nous te croirons quand tu parleras du bêta. » Et il se mit à interroger son maître sur la première lettre, et l’autre ne savait que répondre. » (6, 3).
Parfois le peintre ne signe pas, parfois il signe (au revers). Il laisse une empreinte symbolique. Ce n’est pas de l’art primitif, c’est de l’art initial. Les initiales GC font penser à l’Arbre de Jessé ; mais aussi à l’homonymie : GC / « J’essaie », vouant qui les porte à des tentatives et des tentations toujours recommencées.
Gabriel Claude dit souvent : « celui qui a peint » (et non : le peintre). Cette périphrase, qui refuse d’essentialiser une fonction, et qui n’évoque l’action qu’au passé, fait écho à des anciennes formules : X pinxit / fecit.
À quel titre ?
L’unique « sculpture » est intitulée : Le bois du pardon, et non : *La croix du Christ. Libre à chacun de sauter le pas interprétatif. La présence christique est diffuse, comme un phénomène de hantise. Tout se joue(rait) ici dans une « allusion » matérielle (le bois), et spirituelle (le pardon). De cette œuvre, qui est l’auteur ? Quel est le « sculpteur » ? La Nature ? Le hasard ? Deus artifex ?
L’art de GC est un art « crucial ». De nombreuses croix sont disséminées dans ses tableaux (notons, au hasard : 2010 toile 03, 2012 toile 031). Côté image, la croix christique est irreprésentée (il y a des croix). Côté langage, la croix est innommée, comme le montre la périphrase : « Le bois du pardon ».
Au-delà du bois, matières et supports sont explorés dans leur variation : parfois GC peint sur du verre, risque une peinture « cassable » : le tableau peut se briser comme un éclat de vie. Comme un vitrail. Parfois, il reproduit ce qui ressemble à un tissu, au Suaire de Turin (huile sur page, 2014).
La peinture semble écartelée entre mission sacrée et passion mondaine. Elle nous met, comme Héraclès, à la croisée des chemins, entre le vice et la vertu, sans que l’on sache où est l’un, où est l’autre.
De là, la tentation, pour le peintre, de tout brûler, dans un « bûcher des vanités ». Comme un auto-da-fé accompli par un auto-Savonarole. Cependant, entre le sacré et le profane, il n’y a pas d’opposition absolue, mais une contiguïté totale : le « pro-fane », c’est ce qui est devant le temple.
De nombreuses oscillations témoignent d’une intranquillité. La présence ou l’absence de signature. Les tableaux intitulés ou sans titre. Les co-présences chromatiques, tantôt pacifiées (fusionnelles), tantôt violemment contrastées. D’un côté, la représentation des ciels, bleus et roses, comme une promesse de bonheur dans le templum tracé dans le ciel par un ancien augure, de l’autre, la série des De profundis, qui renvoie à un monde chthonien, tellurique. Le ciel comme horizon, la catabase comme initiation.
Gabriel, dans les Évangiles, est le grand annonciateur. Un tel prénom peut inciter à peindre des Annonciations, en vertu du principe nomen, omen. De là, peut-être : Prélude à l’Annonciation. « Prélude », au-delà de son emploi musical (Prélude à l’après-midi d’un faune), a pour sens figuré : « ce qui annonce quelque chose ». Le tableau, à ce titre, représenterait l’annonce de l’Annonciation. Que faisait Gabriel (l’archange) avant l’Annonciation ? Dieu avant la Création ? Augustin, dans ses Confessions, ne manque pas de rappeler que c’est là une question épineuse : « Je ne répondrai pas comme celui qui, voulant, dit-on, éluder la question, fit cette adroite repartie : Il préparait des supplices à ceux qui sondaient l’abime de ses secrets ».
L’annonce de l’annonciation nous place dans le monde de l’avant avant. Ce qui revient à contrarier le découpage linguistique du temps, qui, entre le premier événement d’une chaîne et le dernier, admet comme phases décisives : l’avant-avant-dernier (l’antépénultième), et le pénultième (l’avant-dernier). Le monde de GC oblige à penser ces paradoxes violents que sont l’« avant-premier » et l’« après-dernier ».
Qu’est-ce qui se voit dans Prélude ? Des colonnes, des voussures, fantomatiques. Arcades, arcanes. Rien de plus essentiel qu’un espace scandé de colonnes, même et surtout conjecturales. En archéologie, la ré-érection des colonnes s’appelle « anastylose ». En théologie, la résurrection n’est rien d’autre que « se remettre debout » : anastasis.
Trois colonnes d’or, doriques dorées, ou toscanes, dans un effet de decrescendo (de perspective ?). Et puis, des dissymétries, des boiteries. « Claude », après tout, vient du latin claudus (boiteux). Le tableau esquisse un décor qui entre en écho avec Fra Angelico (la fresque du couvent de San Marco). Le mauve qui sert d’écrin au rayonnement discret des dorures est une couleur ecclésiastique (mais aussi « excitante »). Tombe sur la toile une pluie d’or, comme pour la fécondation de Danaé. On ne voit, dans ce Prélude, ni Gabriel, ni Marie. Rien n’a – pour le moment – lieu que le lieu (Mallarmé).
On connaît l’histoire du peintre fou, évoquée par Alexandre Dumas père, invitant à admirer une toile blanche intitulée Le Passage de la Mer Rouge par les Hébreux : – Où est la mer ? – Elle s’est retirée. – Où sont les Hébreux ? – Ils sont passés. – Et les Egyptiens ? – Ils vont venir. Derrière ce genre de mystification, se cache une part de vraie mystique.
Les tableaux de GC, eux, donnent à « voir », mais à voir quoi ? ou qui ? Des silhouettes sans décor, des décors sans personnages. Ces schizologies semblent l’effet d’un effacement, d’une géniale « injure du temps ». On pourrait se croire face à des peintures antiques, entr’aperçues au moment même où elles s’évanouissent, comme, dans le Roma de Fellini, l’on assiste médusé à l’évanescence fatale des fresques lors du percement du métro. Mais, avec GC, il s’agit aussi d’une résurrection partielle. Les lignes horizontales griffent la toile, comme des biffures faites par un « style ». On entend bruire l’histoire, la « rumeur des distances traversées ». Ce que peint Gabriel Claude, ce n’est pas l’espace, c’est l’attente, c’est l’a-temps. Une promesse d’éternité.
Un titre comme Voix silencieuse de la nef fait entendre un léger scandale : une voix silencieuse n’est pas (ou plus) une voix. Et puis, une nef parle-t-elle ? Oui, par contiguïté, quand un homme (ou Dieu) parle « dans la nef ». Il arrive aussi à une nef de parler « directement » : tel est le cas du vaisseau Argo, ou du Bateau ivre de Rimbaud. On pourrait même évoquer les voix ostracisées de la Nef des fous, et (croire (aperce))voir dans le tableau une proue, un mât. Mais, dans un autre tableau Nef renvoie à une église. Cet effet de brouillard n’est pas contingent ou accidentel. Ce que re-présente une image, c’est la complexité (Mallarmé disait : la perversité) du langage.
Ce n’est plus de « voir », alors, qu’il est seulement question, c’est de tendre l’oreille. GC offre une série d’artefacts à vocation esthétique – à condition d’entendre « vocation » au sens premier (évangélique) : il s’agit de se laisser appeler (et non, brutalement, d’être « interpellé »).
Visions
Il est arrivé au peintre de rouler en « décapotable d’occasion ». C’était, au-delà du petit plaisir matériel, dématérialiser l’habitacle, métaphysiquer la route : c’était se donner, et donner à ses passagers, l’occasion d’abolir l’obstacle qui sépare des ciels ennuagés ou étoilés.
Le style de GC est « transfiguratif » : il met en scène, non pas la présence, mais la prégnance du « réel ». Le peintre invite, comme il dit, à prendre le monde « en pleine figure ». Mais l’expression est ambivalente : elle dit, à la fois, un rapport brutal (direct) : violent comme une gifle, et symbolique (indirect) : le monde est crypté, parle par figure.
Qu’est-ce que voir ? Le mot « vision » cumule scandaleusement des sens contradictoires, qui s’étendent de la perception juste à l’hallucination, en passant par la voyance. Gabriel Claude, en tout cas, aime les chats aux « prunelles mystiques ».
Par vocation, une toile abstraite (« présentative », comme disait Souriau) encourage tous les fantasmes « projectifs ». La peinture peut servir à se « couper » du monde (évasion) – comme elle peut servir à le « retrouver » (invasion) : nombreux sont les « fantômes figuratifs » qu’on croit voir, ce dont témoignent les illusions de la paréidolie. Considérée comme un symptôme, à la manière d’Henri Ey, la paréidolie consiste à « halluciner » des images à partir d’une perception fausse ou faussée. Il s’agit, en fait, de « convertir » (dans tous les sens du mot) un stimulus visuel en forme identifiable ; une telle conversion se rapproche de l’une des fameuses « méthodes » que Léonard de Vinci, parmi d’autres peintres, a prônées :
« Si tu regardes des murs barbouillés de taches, ou faits de pierres d’espèces différentes [...] tu y verras des paysages variés, des montagnes, fleuves, rochers, arbres, plaines, grandes vallées et divers groupes de collines. Tu y découvriras aussi des combats et figures d’un mouvement rapide, d’étranges airs de visages, et des costumes exotiques, et une infinité de choses que tu pourras ramener à des formes distinctes et bien conçues »2.
Mais du maître renaissant à Gabriel Claude, les enjeux varient radicalement. Léonard donne forme à l’informe, passe de l’abstrait au figuratif (outre les murs, le peintre conseille de scruter « les cendres, les nuages ou la boue ») : il « figurise » la matière, dans une morphogenèse « intentionnelle ». GC procède (peut-être) à l’inverse. Chez lui, la « vision » conserve sa valeur « abstraite », et l’image qui se forme ne renvoie, à proprement parler, à rien de figuratif : tout dépend de l’activité « attentionnelle » du regardeur. On peut y retrouver des allusions culturelles : un vitrail, le panneau laqué d’un paravent chinois. Ou des illusions naturelles : la beauté au cœur des pierres, du bois, le sable, les plages, les nuages. Le monde de GC invite à interroger les « trois règnes » (minéral, végétal, animal) et les quatre éléments, en brouillant les frontières censées les séparer. Un jeu de vases communicants réunit le « naturel » brut (énigmatique) et les formes-couleurs culturellement identifiables (qui ne sont pas moins mystérieuses), favorisant une espèce de fusion brouillée entre les paysages, les décors et les êtres. Comme si étaient peintes les « âmes » ou l’âme du monde. Non sur le mode tonitruant du « sublime », mais sur le mode discret du subliminal. À peine visible. L’essence, la quintessence, le sens-ciel.
Comme tout(e) œuvre énigmatique, celui/celle de GC nous laisse le choix entre l’« assimilation » (ramener l’inconnu au connu) et l’« accommodation » (accueillir l’inconnu comme tel, au risque de faire basculer nos schèmes habituels).
Le peintre a commencé, comme artiste-artisan, par la reliure. Et en un sens, il n’a jamais cessé : Gabriel est un « relieur », un intercesseur entre le monde et les signes ; il oblige à interpréter, par les regards qu’il lui porte, le « livre du monde », dont chaque toile garde précisément les traces.
La méditation (la préméditation ?) de « celui qui peint » ouvre sur une médiation : un faux terrain vague – un espace très précis – un entre-deux-lieux entre immanence et transcendance. Entre le « complexe » (mi…mi…) et le « neutre » (ni…ni…) : mi- (ou ni) physique, mi- (ou ni) métaphysique.
L’univers de GC, en suspens, en suspension (comme on dit de particules flottant dans un tube expérimental en chimie), est une quête-fête.
La Trappe
GC aime à se « retirer » du monde, au risque que la réception de ses œuvres passe à la trappe. Il fait songer en cela à tel fragment du livre I des Essais de Montaigne (au chapitre De la solitude) : « Souvienne vous de celuy à qui » on demandait pourquoi il prenait tant de peine pour des œuvres qui n’étaient connues que de très peu de gens : « J’en ay assez de peu, respondit-il, j’en ay assez d’un, j’en ay assez de pas un. » Montaigne tire cette réplique de Sénèque, qui l’approuve, « quel qu’en soit l’auteur, car on n’est pas d’accord sur ce point » (Lettres à Lucilius). On le voit : le « Souvienne vous de celuy à qui » n’est pas une allusion précise, du genre : « cestuy-là qui conquit la toison » (clin d’œil et connivence) : on ne saura jamais qui est l’auteur de la réplique (ni quel art il pratiquait). Cet anonymat confirme splendidement (et terriblement) sa doctrine. L’artiste a bien réussi (trop ?) : il y a quelque chose d’angoissant à ne pas savoir à quel César rendre ce decrescendo laconique, cette peau de chagrin en trois temps. Ni un nom, ni un art, seul le vrai désir d’œuvrer. Chez GC, la tentation fugitive du « pas-un » n’est pas un « pour-moi » (« égoïste », solipsiste). En fait, le « pas-un » n’existe pas, si l’on admet Dieu comme Destinataire. Comme le montre cette anecdote : Un jour, un de ses lecteurs demande à Hegel d’éclaircir tel passage opaque de son œuvre. Il se relit, et commente : « À l’époque, seuls Dieu et moi pouvions le comprendre. Aujourd’hui il n’y a que Dieu ». GC œuvre au moins pour cet Un là.
Georges KLIEBENSTEIN
Université de Nantes
1 Selon le témoignage de Julia Kristeva, dans Les Samouraïs.
2 Traité de la peinture, trad. A. Chastel, Paris, Berger-Levrault, 1987, p.332.
Ouest-France - Pouancé: à l’atelier Legault, une expo qui donne la part belle à la lumière
Gabriel Claude a installé un parcours lumineux dans l’atelier Legault et accroché des toiles qui traduisent des atmosphères paisibles.© Ouest-France
Jusqu’au dimanche 20 mai, le plasticien Gabriel Claude propose, aux visiteurs, un cheminement artistique tracé à l’aide de bougies. Le nom de l’exposition : Traverser la nef.
Séduit par l’architecture et les volumes du bâtiment, type Baltard, qu’est l’atelier Legault, Gabriel Claude n’a cessé d’imaginer comment il pourrait concevoir une installation qui traduise pensées et travail, long cheminement et embûches, entrée et sortie.
« Cette verrière, la sobre porte d’entrée et l’appel vitré de la sortie m’ont inspiré pour réaliser une installation au sol, explique le plasticien, qui minimise son travail sur les toiles. Elles sont secondaires par rapport à cette ligne, ce parcours lumineux. »
« C’est comme une ligne de vie »
En effet, une suite de bougies imprime un chemin qui bute sur un socle surmonté d’une croix. Et le parcours des bougies continue ensuite. Étonnant tracé de lumières scintillantes qui répond au titre de l’expo : Traverser la nef.
Face aux interrogations, l’artiste répond : « C’est comme une ligne de vie, rompue par un obstacle, un aléa, une difficulté. » Et, si on ose lui proposer « une mort ? », il répond : « Pas sûr. Cette croix est un symbole, comme un jalon aux croisées des chemins, comme un arrêt, comme une étape, comme une torture. Car la croix est l’image de la torture. »
Une église ? Un temple ? Un bateau ?
Plusieurs fois, l’artiste parle de traversée, de nef. Ce mot évoque, peut-être, un bâtiment religieux, une église, un temple ou un bateau. Et il parle du tableau de Jérôme Bosch La nef des fous.
Il poursuit : « Je ne peux m’empêcher d’être impressionné par les personnes qui essaient de traverser la Méditerranée, toujours au péril de leur vie. Beaucoup périssent. »
Deux toiles marquent le début du parcours
Deux toiles que l’artiste a accrochées au fond de la salle ordonnent la déambulation. « Elles sont comme les clés », précise le plasticien. Intitulées Voix silencieuses de la nef, elles marquent le début du parcours.
Toutes ces toiles vibrent suivant une même idée conductrice que chacun pourra s’approprier. « Pour moi, elles font écho à l’installation, pour d’autres personnes je comprends qu’elles traduisent des climats, des tranquillités, des atmosphères, des paysages. »
« Des toiles qui ont bien vieilli, bien mûri »
Rigoureux, méticuleux l’artiste propose des toiles effectuées entre 2007 et 2017. Ce passionné de vins ose. « J’expose des toiles qui ont bien vieilli, bien mûri. »
L’artiste utilise la peinture à l’huile, des pigments, de l’encre de Chine. « J’aime les peintures qui mettent du temps à sécher. »
Jusqu’au dimanche 20 mai, les jeudis et vendredis, de 14 h à 18 h, les samedis et dimanches, de 15 h à 18 h 30, à l’atelier Legault, 10, place de la République. Renseignement, en téléphonant au 02 41 92 90 62. Entrée libre. Site : www.ville-pouance.fr/salle-dexposition-latelier-legault
Par Anne et Jean-Pierre Bahuaud à Vertou
Acquisition d'une œuvre
Cette peinture acquise au tournant du deuxième millénaire n'a pas de nom. Elle n'est ni signée ni datée. J'ai décidé de l'appeler "Toccata de Widor". Gabriel a pris l'habitude de peindre en écoutant de la musique. Je ne sais pas quelle musique l'a inspiré. Mais c'est la pièce que je travaillais à l'orgue à cette époque...
Le coup de foudre pour une oeuvre intervient quand, dans un même moment, se rencontrent deux infra-conscients: celui de l'artiste et celui de qui contemple l'objet d'art. Ce fût un coup de foudre...
L'art de Gabriel est un mariage réussi de la matière (huiles et pigments sur cuir ici) et de l'esprit (mystique religieuse plus particulièrement grégorienne)... l'art épuré du vitrail dans un environnement de chapelle ou de basilique... Mon infra-conscient est fait d'odeurs d'encens et de musique d'orgue dans des environnements d'édifices religieux où la lumière est tamisée par les coloris des vitraux. Ce mysticisme religieux fait d'odeurs, de sons, de lumières colorées diffuses, de communion globalisante, a formaté une grande partie de ma jeunesse. Puis je n'ai cessé de refouler tout cela par la suite pour cause de rationalisme. Ce tableau a fait remonter à la surface ce mysticisme enfoui depuis longtemps: bruns et bleus sur cuir dans une perspective verticale à la manière de vitraux.
Ce tableau magistral trône seul sur un des murs du salon où il reçoit la lumière dosée nécessaire. Sa place ne se discute pas, indétrônable...
Jean-Pierre Bahuaud Vertou (18/11/15)
Notre tableau m’a choisi vers le début des années 2000 (il serait possible éventuellement même de trouver la date !) et il a fait partie de notre vie quotidienne depuis. Heureusement que nous n’avons que rarement de différence de goût et JP fût rapidement d’accord pour l’acquérir sur le champ.
Nous étions entre amis au vernissage de l’exposition à Champtoceaux dans un lieu calme que nous connaissions déjà pour ses expositions et pour son point de vue qui surplombe la Loire. En entrant dans la première salle, « notre » tableau était dans un coin éloigné de la porte, mais j’avais l’impression que les autres tableaux n’existaient pas.
La pastille rouge une fois en place, il fallait attendre la fin de l’exposition pour en prendre possession. Cela nous a donné l’occasion d’aller chez l’artiste et d’entrer dans son univers qui à cette époque était très influencé par le cuir.
Le tableau était déjà encadré et sous verre. Les lignes du cadre doré alternent avec du blanc cassé et brun puis rencontrent les trois cartons beige et blanc superposés de marie-louise et dirige l’œil vers le tableau. L’harmonie de couleurs ocres et bleues changent selon lumière du jour ou artificielle. Ce tableau est un collage en cuir, les morceaux posés les uns sur les autres, chacun avec sa couleur ajoutée. Cela donne une impression de relief et donc de profondeur, avec des pleins et des creux qui s’accentuent selon la lumière. Aujourd’hui notre tableau est seul sur un mur jaune pâle dans la partie « salon » de notre cuisine/salon, donc dans la pièce où nous vivons le plus.
J’aimerais utiliser le mot anglais « tantalising » pour décrire ce que je ressens: tellement attrayant, un fascinant aperçu,(Robert / Collins). La traduction de ce mot en français ne me satisfait pas complètement. Avec ce seul mot, j'exprime "un désir de comprendre irréalisable " (Petit Robert), non vraiment comme le supplice de Tantalus qui voyant une branche chargée de fruits à portée de sa main s'écarte quand il s'efforce d'attraper la nourriture, mais cette impression d'être tout près de quelque chose qui se retire ou est retirée! Donc, je ne cherche plus à essayer d'exprimer ce que je vois. Je ressens le plaisir de sa présence, j'aimerais le toucher, mais il est sous verre. Je le prends comme il est, changeant selon les jours, je ne cherche plus à l'expliquer - je l'aime et l'accepte comme il est.
Anne Bahuaud Vertou (1/10/15)
Par le Docteur Pierre-Yves Touzeau Nantes
Gabriel Claude ou Portrait de l'artiste en Odysseus
« DANS SON BERCEAU DE BRUME, L'AURORE AUX DOIGTS DE ROSE... »
Le premier tableau -et pour l'instant le seul- que j'ai acquis auprès de Gabriel Claude, n'est plus dans notre appartement : un jour je l'ai décroché du mur où il se trouvait !?
Il s'agit d'une toile de 80x70cm recouverte sur le mode abstrait d'un mélange de couleurs s'associant en de savants fractionnements, couleurs dont j'ai cru pouvoir évaluer le nombre à dix, n'étant toutefois pas tout à fait sûr de son exhaustivité : ivoire- blanc cassé- rose-gris de lin-violine-magenta-garance-saphir-incarnadin et aigue marine.
Les couleurs les plus foncées se trouvent au niveau du tiers médian, les plus claires en périphérie (de chaque coté si la toile se lit horizontalement- en haut et en bas si elle se lit verticalement).
Mais comment se lit la toile ?
Deux faits importants à signaler : la toile n'est pas « nommée » (elle n'a pas de titre) ; la toile n'est pas « signée » (l'artiste s'autorisant parfois seulement l'apposition d'un G et d'un C sur la tranche latérale du cadre, non visible et que l'on a du mal à retrouver si par extraordinaire on pensait à les chercher). L'oeuvre elle-même est donc apparemment anonyme : elle est de « Personne », elle pourrait donc, ainsi, être de « Tout le monde » !!
Tiens-Tiens ! Quelqu'un qui se fait passer pour personne, qui signe en quelques sorte « Personne », cela ne vous rappelle rien ? Cherchez bien dans vos souvenirs...Je vous aide : il y a un voyage, des dieux, un cyclone...Ulysse, bien sûr! (c'était une parenthèse mais je gage que nous le rouvrirons!).
Revenons au tableau.
Dans ce mode abstrait, l'utilisation de ces couleurs, leur disposition sur la surface encadrée, réalisent une composition sans rapport direct aux références visuelles habituelles et l'on ressent, selon la reconstruction à laquelle on procède soi-même, ce que ce foisonnement de lignes et de taches colorées, nous apprend, nous évoque, nous conduit à penser ou nous fait souvenance.
Que voir ? (et bien sûr, ne faut-il que voir?), qu'évoquer ? Que conceptualiser ? Cela peut être des paysages ou des êtres vivants, mais cela peut être aussi des correspondances , une transcendance vers une autre dimension mystérieuse perdue dans quelques limbes qu'il est bien ardu de vouloir définir (« ou va le blanc quand fond la neige ? »- dit magnifiquement Shakespeare et bien justement, cela pourrait être là...). Mais, ce peut être aussi, et à l'extrême, une approche de Rien, chère je crois à Kandinsky, ou bien encore de l'invisible.
Pour ma part, incorrigible, impénitent, définitivement « voyeur », je ne suis jamais parvenu à ces quintessences, à ces abstractions spirituelles : il me faut visualiser, me représenter des formes connues, des corps vivants (ou morts) à la silhouette reconnaissable, des objets du quotidien, des paysages, passés, à venir aimés, rêvés...
Devant cette toile en ma possession, qu'allais-je donc « voir », qu'allais-je recréer, qu'allais-je bâtir comme construction visuelle conforme à mes réalités, moi si mal à l'aise dans l'abstrait pur ?
Et bien, cela dépendait, en fait de la façon dont elle était disposée sur le mur où elle était placée : on pouvait s'y attendre ! Selon qu'elle était accrochée verticalement ou horizontalement, je n'en avais pas la même perception :
VERTICALEMENT,
je voyais apparaître, au bout de quelques temps, sortant du flou de mon imagination soudoyée par la création de l'artiste, un paysage de littoral, de plage, de grève, dans une sorte « sfumato » à la fois blanc et rose tandis que j'y discernais la mer un peu violine, surmontée par un ciel où l'on avait l'impression que le soleil se levait (ou se couchait?) bordant un littoral de sable lisse aux teinte roses, tachetées de quelques rares et discrètes flaques d'eau saphir ou aigue marine.
HORIZONTALEMENT ,
tout changeait ! Ce que je voyais ici (comme je l'ai déjà dit, « aveugle » à tout les autres sens) n'avait rien à voir avec la première évocation.
C'était une SILHOUETTE un peu figée (contrainte ?), peut-être fantasmagorique dans une sorte d «espace inquiet » : un homme (l'attitude « figée » dont je parle, éliminant incontestablement une femme qui aurait apporté une note beaucoup plus aérienne, plus gracile) vêtue d'un manteau ou plutôt d'une variété de raglan qu'on appelle, je crois, un « ulster », de couleur foncée tirant sur le violet, se détachant sur un fond évoquant un mur un peu lépreux de tonalité dominante blanc-cassé ou ivoire . Cette silhouette n'est pas intégrale : elle est amputée, en haut et en bas, approximativement à hauteur des épaules et des genoux, de telle sorte que l'on n'aperçoit ni les pieds ni, surtout la tête ce qui contribue, bien sûr, à cette inquiétude dont je parlais plus haut . Seule la manche de son bras droit (ou gauche ?) apparaît distinctement.
Voilà ! J'en était là : De l'importance des coordonnés dans l'espace, et au moins pour ce qui me concernait, comme un esthétisme de mots croisés :
Verticalement : une sérénité de plage au bout de la terre dans les premiers matins du monde !
Horizontalement : L'espion qui venait du froid !
Ce n'était tout de même pas la même chose : « Personne »pouvait-il m'aider ?
En attendant, quand au sens de la disposition du tableau, l'appartement où nous habitons devait régler, au moins pour l'immédiat, le problème de l'hésitation.
En effet, dans l'étroitesse des lieux et la disposition des meubles faisaient que la seule surface disponible pour accueillir le tableau ne permettait, sauf disproportion des perspectives, que le sens horizontal, au détriment du vertical : la « silhouette au manteau »l'emportait sur la « grève au soleil naissant », ce n'était pas notre préférée ! Alors, pendant quelques mois, nous en vîmes à alterner les positions, décrochant le tableau pour le disposer sur le plancher pendant quelques jours, afin de le contempler dans le sens de notre préférence : on peut le comprendre, c'était bien sûr un pis-aller.
Pourtant cette période me permit d'affiner mon interprétation des deux représentations. J'en revenais toujours à Ulysse, cela me convenait bien. Qu'on en juge.
-La grève où mer, ciel et sable se mélange dans le rose d'un soleil naissant ou mourant, devenait le rivage d'Ithaque que, de retour enfin ; il foulait à nouveau : Athéna : « Mais regarde avec moi le sol de ton Ithaque. La rade la voici... »
Ou bien
-La silhouette au manteau qu'on appelle Ulster c'était à l'évidence son avatar irlandais : Léopold Bloom, le personnage de Joyce, déambulant dans les rues de Dublin le 16 juin 1904. « Il arrivait près de Larry O'Rourke. Du soupirail de la cave, montait les effluves de la bière brune ».
Oui, c'était vraiment un pis aller que d'alterner ainsi : il fallait une solution, il fallait choisir.
Nous avons choisi.
Le premier tableau – et pour l'instant le seul – que j'ai acquis auprès de Gabriel Claude, n'est plus dans notre appartement : je l'ai décroché dur mur où il se trouvait .
Quant, à la mort de mon père, je me suis vu attribuer la maison du Croisic, juste en front de mer, nous nous sommes dit que là était sa place. Un mur entier lui fut dédié : nous pouvions le disposer comme nous le voulions. Là-bas il trouvait un théâtre à sa hauteur, j'allais dire à sa dimension. Nous choisîmes celle d«Ithaque ».
Il s'agit d'une toile accrochée face à la mer, l'une étant le miroir de l'autre, se contemplant mutuellement. Par beau temps, deux fois par jour, à l'aube et au crépuscule, elle se confondent totalement dans la teinte rosée et bleuâtre des éléments qui les composent. Cela dure une dizaine de minutes, et puis chacune reprend sa liberté jusqu'au soir ou au matin suivant.
Parfois des visiteurs amis viennent nous rejoindre. Presque tous, admiratifs de ce tableau, m'interrogent : - « Il n'est pas signé ! Vous connaissez l'artiste ? »
- « Oui, je dis oui ; il se fait appeler Gabriel Claude ; mais je crois que c'est un nom d'emprunt. Jugez plutôt : un prénom d'archange et un nom d'empereur ! Ce ne peut être qu'un surnom d'artiste !
Moi, j'aime bien qu'il s'appelle « Personne »!- « Tiens comme Ulysee dans l'Odyssée » dit presque toujours le poseur de question.
- « Je dis oui .»
Et puis l'autre interrogation:- « Vous dites que le tableau n'a pas de titre, mais vous, lui en donnez-vous un ? »
- « Oui, je dis oui : depuis longtemps ( depuis toujours) : je l'ai appelé :
« DANS SON BERCEAU DE BRUME, L'AURORE AUX DOIGTS DE ROSE... »
Nantes 2015
Dr. Pierre-Yves Touzeau
Par Michel CLENET, professeur à l'UFM Nantes
Quête d'Essentiel
« Mon travail artistique est d’abord une quête, quête d’un homme qui laboure au plus profond de son âme pour y chercher l’Essentiel » écrit Gabriel Claude
La profession de foi affichée ainsi par Gabriel Claude, celle dont il me confie lors d’une conversation téléphonique (6/10/2015) qu’il en a pesé tous les termes et qu’il y revient toujours pour y confronter chacune de ses œuvres et vérifier qu’elle s’y conforme bien et donc qu’elle a sa raison d’exister – raison sans laquelle elle sera non seulement rejetée mais brûlée dans un geste à la Savonarole qui la réduira en cendres – cette profession de foi qui oriente toute l’œuvre et lui confère une unité indiscutable sert aussi de mesure à chacun des ses éléments et l’oblige. Pas la moindre concession donc, pas le moindre écart mais une exigence avec laquelle Gabriel Claude ne veut pas négocier, parce que, comme il me le redit lors de ce même entretien, cette exigence ne lui appartient pas, il n’en n’est pas le maître, il la ressent et lui dit « OUI » avant de se mettre au travail.
Comme souvent, le mot de la fin est en même temps le mot essentiel – c’est le cas de le dire ici – peut-être parce qu’il a été le premier, celui qui s’est imposé et a généré les autres qui conduiront à lui. Qu’est ce que « l’Essentiel » - surtout quand il s’écrit avec une majuscule et que le déterminant n’en précise pas seulement le genre mais le caractère singulier, unique ? On pense évidemment à Dieu, mais, en même temps, si c’est bien de Lui dont il s’agit, Il n’est pas nommé. Peut-être cet Essentiel doit-il être désigné, sinon défini, par opposition à ce qu’il n’est pas, l’inessentiel, l’accidentel (Aristote), le secondaire, l’inutile. Cette indéfinition respecte le regard et l’interprétation du spectateur.
S’il fait l’objet d’une quête, c’est donc que cet Essentiel n’est pas donné d’amblée, il est la visée ou l’aboutissement d’une « quête » dont il n’est pas interdit de penser qu’elle pourrait être, elle-même, cet Essentiel. Le mot choisi par Gabriel Claude n’est pas sans évoquer la « Queste del saint Graal » avec son arrière-plan religieux et épique. Le travail de l’artiste présente-t-il ce double caractère ? Les sujets, tels que les titres donnés nous les laissent entendre et la « manière », si l’on veut bien considérer les truelles comme des armes, les griffures, les rayures comme autant de blessures, ne contredisent pas cette interprétation. En même temps GC la récuse, ou plutôt, -et c’est bien dans façon d’être et d’agir – il nous en ouvre une autre en utilisant le mot « homme », terme générique et universel qui réduit les chevaliers de l’épopée à une dimension plus ordinaire, plus humble – on est tenté de rapprocher l’homme de l’humus. Ni héros ni artiste, le peintre est tout simplement un « homme » et on a envie d’ajouter ce qu’il nous laisse entendre : comme nous.
Mais cet Essentiel à la recherche duquel le peintre s’engage (et nous engage) où le cherche-t-il et comment ? Le lieu est désigné par l’expression « au plus profond de l’âme ». La profondeur amplifiée du superlatif ajoute encore à l’inaccessibilité et à l’indéfinition de l’âme, cet anima qui désigne le souffle, le principe vital en latin comme en grec va prendre une autre connotation dans la religion avec le dualisme qui l’oppose au corps et l’idée que, contrairement à lui, elle est éternelle. Élément humain ou élément divin, être matériel ou être spirituel, l’artiste ne se prononce pas, ce qui semble compter pour lui, c’est la profondeur de ce qui se trouve au cœur de l’homme et le chemin pour y accéder. Il est un peintre de l’intériorité et ce for intérieur appartient à chacun.
Comment, en effet, atteindre l’Essentiel ? Pour répondre à cette question GC utilise une métaphore, celle du labour. Faut-il y voir une résurgence de ses origines paysannes ? Une indication en tout cas sur sa manière de travailler : une activité physique plutôt qu’intellectuelle, qui consiste à tracer des sillons (on en voit les marques parfois sur certaines toiles : des griffures ou des rayures, l’utilisation de la terre ou du sable comme matériaux associés aux pigments), une activité qu’il exerce dans un cadre rural, au milieu des prés et des champs, un atelier qui est une ancienne porcherie. Mais la métaphore s’écarte de toutes ces références « réalistes » et retrouve sa fonction poétique lorsqu’on la resitue dans le contexte « un homme qui laboure au plus profond de son âme pour y trouver l’Essentiel ». Labourer, ici, n’est pas tracer un sillon bien droit mais creuser, et presque sauvagement, on pense au sanglier qui laboure la terre pour y trouver sa nourriture. Cette « sauvagerie » est augmentée par la mise en relation de deux termes, l’un abstrait, l’autre concret, l’un connoté noblement, l’autre vulgairement (au sens étymologique) : labourer et âme. Pour rester dans les images, on pense à une activité de fouilles qui s’apparente à celle des garimpeiros du Brésil à la recherche de l’or, de la pépite – leur essentiel à eux sans doute. Fouiller, creuser, retourner, c’est l’image du chaos qui s’impose et, peut-être aussi d’une certaine violence, dont on devine que, l’un et l’autre, ne sont pas absents du travail de Gabriel Claude. Il nous le laisse d’ailleurs entendre lorsqu’il nous parle de celui-ci, son atelier « ne craint ni lutte, ni éclaboussures ou meurtrissures ». C’est bien le mot travail qu’il a retenu, même s’il le qualifie d’artistique et l’on ne peut s’empêcher de penser à l’origine de ce mot, à la fois comme sanction biblique « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » et comme source étymologique trepalium, instrument de torture chez les Romains. On songe aux outils du peintre : les trois truelles. On pense également au produit de ce travail : aux toiles elles-mêmes qui en portent les traces comme des stigmates, On pense enfin à l’effet qu’elles produisent sur celui qui les regarde et qui doit bien admettre qu’elles le « travaillent » en profondeur, qu’elles lui font violence en quelque sorte, qu’elles l’attirent dans leur chaos, même voilé, même en partie dissimulé, même édulcoré. C’est au prix de ce bouleversement profond que le spectateur atteindra peut-être à son tour, l’essentiel, son essentiel à lui qui se révélera être le même que celui du peintre ou se montrera différent, car les toiles, comme l’artiste, lui offrent cette liberté, la lecture en est ouverte et cette OUVERTURE par laquelle et à laquelle il est conduit commence comme OUI.
Michel Clenet
Professeur IUFM Nantes
Par Soana KRISTEN, Psychanalyste.
Des seings et des inclinations
L’œuvre de Gabriel Claude A. — du moins les toiles qui paraissent sur le net — frappe d’emblée par sa maîtrise de la matière et le miroitement de sa palette : une déclinaison, presque une investigation de chaque couleur. Est-ce au gré des humeurs des événements ? Est-ce une interrogation ? Elle m’évoque d’emblée la nature source d’inspiration, de paix, de beauté et de vie, et simultanément par d’autres toiles, l’homme déchiré qui se retranche derrière un mur intérieur pour se protéger et nous protéger des souffrances. Paradoxalement deux faces opposées, complémentaires assurément et une tentation ou une tentative d’harmonie par la peinture.
Ma première impression, persistante, est double : une expression de vie voire de violence, d’audace, une explosion solaire très yang — le rouge, le jaune, le noir. Puis une autre approche — douce — flirtant avec la féminité et la subtilité autour des bleus et gris.
Toute une recherche toute de lumière — presque tamisée — dont la délicatesse, l’humilité, la force yin me charment. Les titres des toiles entre poésie minérale et quête spirituelle ajoutent au mystère : humaine et fascinante attraction vers l’unité.
La peinture de Gabriel Claude — serait-ce ces deux prénoms entre masculin et féminin ? — semble écartelée dans la tension entre pulsions et sublimation, puise en elles son énergie créatrice, façonne un duo, toujours en mouvement, en évolution.
Une résonance avec la mer, le vent, le sable, les arbres pour créer cette réflexion lumineuse pénétrante, lancinante parfois comme si la nature était le miroir de ses états réflexions intérieures et lorsque la pensée l’accapare, l’humain et son cortège de discordances vibrantes font irruption comme un orage ou un soleil de plomb.
Des figures surgissent de temps à autre, témoins erratiques, irruptions furtives un brin inquiétantes. Des impressions devant des impressions. Où l’image naît de ces flaques offertes à l’imaginaire de chacun. L’encre de chine lisse des contrastes puissants, des paysages qu’on imagine autant réels qu’intériorisés. Les tableaux de l’année 2015 mais aussi ceux des années précédentes (me) laissent à voir des silhouettes en garde ou en attente, couchées et formant une lagune, et d’autres fois un visage se révèle comme une muse surgie des fibres.
Toiles suggestives où le spectateur se livre d’errer, de rêver, de laisser libre cours à sa propre quête existentielle, et l’on pourrait même avancer, en se fiant un tant soit peu aux titres, une théophanie de l’existence, une tentative pour déchiffrer les mystères du ressort humain.
Entre l’horizontalité des toiles que l’artiste habille ou habite de couleurs complémentaires, de traversées — du désert, de l’éden — c’est selon et la verticalité presque brutale des « colonnes », se devine une fracture, un isolationnisme et une interrogation majeure sur l’art d’être avec l’autre, la femme, le semblable, les autres enfin. Comment composer dans l’art de juxtaposer ?
Une œuvre où la lumière jaillit
Sans point final
Soana KRISTEN
Psychanalyste, spécialiste de l'interprétation des rêves
Atelier Gabriel Claude
la toile blanche....
Ma philosophie artistique
« Mon travail artistique est d’abord une quête, quête d’un homme qui laboure au plus profond de son âme pour y chercher l’Essentiel » G C
"My artwork is primarily a quest, seeking a man plowing the depths of his soul to seek the Essential"
“Mi trabajo artístico es una búsqueda en primer lugar, busca de un hombre que ara a lo sumo profundo de su alma para buscar la Parte fundamental”