Philippe Rude, l'inspiration qui vient de la qualité joyeuse de l'ennui

Philippe Rude, l'inspiration qui vient de la qualité joyeuse de l'ennui

Olimpia Gaia Martinelli | 3 déc. 2022 7 minutes de lecture 1 commentaire
 

Philippe Rude est un sculpteur céramiste du nord de la France qui, depuis 2014, s'est engagé à donner forme à ses émotions et sentiments intuitifs....

Qu'est-ce qui vous a poussé à créer des œuvres d'art et à devenir un artiste ? (Événements, sentiments, expériences...) ?

Cette grande liberté d’être singulier, en couleur, en forme, en son, en mots… Pouvoir et oser m’exprimer de pensées et d’émotions. Me dévêtir d’une enfance très introvertie, perclus de pourquoi. Quelques tableaux dans l’adolescence, puis la rencontre d’un créateur Alsacien de vitraux au Cameroun, qui m’offris le choix des couleurs d’un vitrail, alors que je n’étais là que pour l’aider à souder les armatures en ferraille, à couper les verres suivant ses dessins et à aller chercher l’argile dans le marigot pour maintenir le verre dans un sandwich de deux plaques de cette terre. Me regardant essayer de modeler un visage dans cette argile, il m’expliquât les rudiments du modelage. Il me fit fabriquer les ébauchoirs avec la hampe d’une feuille de palmier. Quelle découverte de soi passionnante, mettre son âme au bout de ses doigts.   

 Quel est votre parcours artistique, les techniques et les sujets que vous avez expérimentés à ce jour ? 

Je suis un sculpteur céramiste originaire du nord de la France qui, depuis 2014 s’attache pleinement à donner forme à mes émotions et mes ressentis intuitifs. En parallèle de ma carrière professionnelle dans l’industrie métallurgique, j’ai étudié et travaillé la maitrise de mon art auprès de mes Maîtres Hubert Dufour et Yves Guérin qui m’encouragent à m’engager dans cette voie dédiée à la création. J’ai poussé ainsi le lourd portail du jardin des Arts pour me consacrer à la Céramique, univers de terre et de feu où mon imaginaire s’exprime avec puissance, profondeur et subtilité. Dès 2020, je participe à ma première exposition collective au Fort de Condé (02), sur le thème de « La grande guerre et après ». Ma sculpture monumentale nommée « Le Cerbère », évocation de l’enfer de la guerre et des maladies mentales telle que « l’obusite » est largement remarquée.

 La collection « CUBE », dont l’œuvre originelle est en acier frappé et écrasé sur un angle dessinant ainsi le s de Souffrance, devient l’étalon d’une série de déclinaisons : bois, résine, céramique et même bijou sous forme de chevalière, sorte de signature identitaire. En tant qu’artiste je déploie également ce cube écrasé pour en faire ma « Vanité » ou bien encore un totem chronologique avec des variations de couleurs et de matières symbolisant des espaces temps et intitulé « De la Paix à la Paix ». Cette forme « d’écrasement » du cube revient subtilement dans bon nombre de sculptures. 

Au gré de mes rencontres et de mes voyages imaginaires, je vais découvrir par le baptême du feu le travail de l’oxyde de cuivre et de l’enfumage. Emerveillé par les irisés de couleurs provoqués par l’incidence de la lumière, cette technique magnifie ma sensibilité et fait écho à cette émotion enfantine et éphémère de l’arc en ciel ; Je laisse ainsi une part belle à la Nature, à la rêverie, il aime la surprise des nuances de teintes liées au choc thermique et à la privation d’oxygène. La maitrise de la cuisson est réservée aux artisans, l’artiste lui, recherche l’Emotion.

 Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ? 

Le cube écrasé que l’on retrouve souvent en signature dans mes créations. L’utilisation de cette forme pour éviter les ornières des courants artistiques, ce qui me permet de créer suivant mes états d’âmes dans tous ces courants, classique, abstrait, contemporains, conceptuel, surréalistes… et de pouvoir le concevoir en bois, en argile en résine, en bijou. L’utilisation de la terre cuite permet de laisser une grande part à la nature pour rendre les œuvres uniques, se laisser surprendre par une couleur au défournement. Je laisse la terre, et les émaux s’harmoniser pour devenir émotion. 

 D'où vient votre inspiration ? 

De la qualité joyeuse de mon ennui. 

Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments voulez-vous évoquer chez le spectateur ? 

Je considère que mes sculptures une fois terminées ne m’appartiennent plus, elles appartiennent à ceux qui les regardent. Elles deviennent énigmes, émotions, surprises, rêveries ou bien histoires… 

Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art  ou autre)? 

Mon inspiration peut venir d’émotions fortes comme la colère du deuil, de situation de bien être sans artifice, de recherches historiques, de lecture d’un petit bouquin « Le dictionnaire abrégé de la fable » de 1748 … en vieux François des figure et sujets mythologique. Ou bien complétement instinctif dans la recherche de forme caressant mon regard. La musique peut-être aussi une source d’inspiration.

 Utilisez-vous une technique de travail particulière ? si oui, pouvez-vous l'expliquer ? 

Utilisant la même terre, certaine de mes sculptures demande une première approche très technique pour éviter l’affaissement, les fissures, ou les casses durant la cuisson. Je prépare souvent des supports en bois, en métal, en ficelle puis je monte les volumes jusqu’à ce que la sculpture prenne l’âme, alors se n’est plus que discussions entre mes doigts et elle-même. Si elle ne prend pas l’âme, c’est que la magie ne s’est pas opérée alors la terre retourne à son tas.

 Y a-t-il des aspects novateurs dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ? 

Créant moi mêmes mes outils, mes supports, et n’ayant pas suivi d’étude technique dans l’art de la sculpture je ne serait dire si j’emprunte de technique ou si je suis novateur.

 Avez-vous un format ou un support avec lequel vous êtes le plus à l'aise ? si oui, pourquoi ? 

Mon support privilégier reste la terre, le grés chamottée en particulier. Ce support vit tout au long de l’exécution et la naissance de mes sculptures ; la terre est très docile quand on a compris son caractère. C’est un long processus qui demande ténacité et abnégation avant de démarrer le chemin de la création artistique. Il me serait difficile de changer de terre aujourd’hui, car je connais maintenant ses courbes de cuissons, ses possibilités d’exploitation poste cuissons.  

 Où produisez-vous vos œuvres ? A la maison, dans un atelier partagé ou dans votre propre atelier? Et dans cet espace, comment organisez-vous votre travail de création ? 

Je produis mes sculptures dans mon propre atelier que j’ai aménagé de ma manière. Cet atelier et une dépendance indépendante de mon domicile. C’est pour moi aussi important d’avoir conçu cet espace, il est mon armature, mon cocon qui me permet de m’exprimer en me libérant de toutes structure extérieure. Mon atelier est introverti pour que je puisse m’extravertir dans mon art. 

 Votre travail vous amène-t-il à voyager afin de rencontrer de nouveaux collectionneurs, pour des salons ou des expositions ? Si oui, que cela vous apporte-t-il ? 

Ayant monté mon atelier pendant ces deux années de confinement, mon travail est encore empreint d’intimité ; je l’expose très peu à part votre galerie dématérialisée et une ou deux expositions régionales par an.

 Comment imaginez-vous l'évolution de votre travail et de votre carrière d'artiste dans le futur ? 

J’avance petits pas par petits pas ; j’ai fait mon premier bronze cette année « Liriope », ce qui est une nouvelle étape. J’ai une autre sculpture qui deviendra bronze cette année. « Liriope » a, je pense était apprécié sur votre site, maintenant il faut que je confirme.  

 Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ? 

Ma dernière production en cours est une causerie de cinq formes épurées en terre cuite. Elles sont disposées dans l’atelier en attente d’un habit de couleurs. Le style est contemporain. Elles devraient quittés leur atelier dans environ 3 mois. Elles posent avec moi sur la photo dans mon atelier.

 Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ? 

Ce fut cet été à Brouage dans la forge prison de Brouage en Charente Maritime, endroit magnifique ou sont encore inscrit les graffitis des détenus en partance pour les Amériques. Beaucoup de visiteurs estivants de tous âges. J’ai reçu de beaux compliments sur mon travail. J’ai vendu une œuvre et échangée une autre avec une artiste peintre.  

 Si vous aviez pu créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ? 

« Ugolin et ses fils » de Jean Baptiste Carpeaux ; C’est en reproduisant cette sculpture pour étude que j’ai décidé que je serai artiste sculpteur. Le moment précis de belle décision.   

 Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vif) à dîner, qui serait-ce ? Comment lui proposeriez-vous de passer la soirée ? 

Pierre Soulage, assis dans deux transats en pleine pâture dans une nuit sombre, à parler de la lumière émanant des bruits de ruissèlement d’un courant d’eau tout proche.

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