Le pointillisme dans le langage artistique contemporain

Le pointillisme dans le langage artistique contemporain

Olimpia Gaia Martinelli | 28 sept. 2022 8 minutes de lecture 0 commentaires
 

Les particularités du pointillisme sont le fruit du climat positiviste de la fin du XIXe siècle qui, marqué de manière indélébile par l'idée dominante du triomphe du progrès, ainsi que par l'extrême foi dans la technique et la science, est venu charger de rationalité le monde de l'art, auparavant dominé par le "romantisme" des impressionnistes...

Kristina Korobeynikova, La fusion, 2022. Acrylique sur toile, 180 x 110 cm.

Le pointillisme raconté par Georges Seurat

"L'incapacité de certains critiques à relier les points ne rend pas le pointillisme inutile."

Les mots du pionnier du pointillisme Georges Seurat, probablement né dans un contexte de "défense" des particularités artistiques de la technique à la fin du XIXe siècle, résument parfaitement ses particularités, en soulignant la façon dont les couleurs sont décomposées en petits points comme un élément distinctif à faire remonter au mouvement néo-impressionniste. Toutefois, pour comprendre l'apport réel du pointillisme dans le monde de l'art, il est nécessaire d'approfondir le sujet, en faisant parler ledit peintre à travers son œuvre, notamment en analysant le tableau Le Cirque, daté de 1891 et conservé au Musée d'Orsay à Paris. Ce chef-d'œuvre du "cirque", identifié comme l'une des plus grandes recherches pointillistes, immortalise un thème cher au monde de l'art des années 1880, également exploré par des maîtres du calibre de Renoir, Degas et Toulouse-Lautrec. En outre, la toile fait partie d'une série qui, avec les œuvres La Parade du cirque (1888) et Le Chahut (1889-1890), vise à "documenter" les activités de divertissement nocturne du Paris de l'époque. 

Georges Seurat, Le Cirque, 1891. Huile sur toile, 185,5 x 152, 2 cm. Paris : Musée d'Orsay

En ce qui concerne la composition de ce chef-d'œuvre de 1891, l'œuvre représente l'intérieur d'un cirque, où se déroule un spectacle riche et dynamique, animé par de multiples présences, telles que un clown, capturé au premier plan le dos tourné, dirigeant probablement son regard vers ses collègues ; une cavalière en équilibre sur un cheval en marche, représentée dans la partie la plus centrale du tableau ; un entraîneur, concentré sur la direction de la course de l'animal susmentionné, placé dans la partie droite de la toile ; deux clowns pris dans l'exécution d'un numéro de cirque particulier et téméraire, se déroulant à l'extrémité de l'arène. Ce scénario coloré, vivant et imaginatif est observé par une foule ordonnée de spectateurs, disposés sur de hauts gradins dans lesquels on peut distinguer des personnages plus ou moins élégants, accompagnés par la performance d'un orchestre placé à l'extrémité supérieure de l'œuvre. Malgré cette disposition minutieuse des personnages, l'intention principale de la toile de Seurat est d'évoquer l'esprit le plus authentique du spectacle de cirque, reconstitué à travers une savante juxtaposition de couleurs rouge, jaune, orange et bleu, qui, enrichies par le blanc de la lumière pure, rendent l'atmosphère authentique, intense, entraînante, lumineuse et harmonieuse. Enfin, il est important de souligner comment ce chromatisme raffiné est accompagné, rehaussé et enrichi par les particularités mêmes de la technique du pointillisme, dans laquelle la peinture a été appliquée sur le support au moyen de points de couleur pure juxtaposés les uns aux autres, qui, étudiés dans leur disposition chromatique, sont perçus par le spectateur comme s'ils avaient été mélangés canoniquement.

Frédéric Durieu & Nathalie Erin, Marilyn aux papillons, 2016. Œuvre numérique 2D sur métal, 40 x 40 cm.

Mariana Prochkaruk, Brun-bleu, 2020. Huile sur toile, 160 x 90 cm.

Curiosité : quelle est la différence entre le pointillisme français et le divisionnisme italien ?

Les particularités susmentionnées du pointillisme sont le fruit du climat positiviste de la fin du XIXe siècle qui, marqué de manière indélébile par l'idée dominante du triomphe du progrès, ainsi que par l'extrême foi dans la technique et la science, est venu charger de rationalité le monde de l'art, auparavant dominé par le "romantisme" des impressionnistes. En fait, les éléments stylistiques susmentionnés de Seurat représentent l'interprétation artistique de certaines découvertes scientifiques fondamentales, qui ont eu lieu dans le domaine de l'optique au cours de ces années et qui sont inextricablement liées aux recherches du chimiste français Michel Eugène Chevreul et du physicien américain Nicholas Ogden Rood. En détail, le premier a découvert que deux couleurs juxtaposées, légèrement superposées ou très proches ont l'effet d'une autre couleur lorsqu'elles sont perçues par l'œil humain à une certaine distance (principe du "contraste simultané"). En outre, le chimiste français a également noté qu'en juxtaposant deux teintes complémentaires, l'aura de l'une renforce celle de l'autre, augmentant mutuellement leur luminosité. Quant à Nicholas Ogden Rood, ses recherches peuvent être résumées par cette révélation : la juxtaposition des couleurs primaires crée une couleur plus intense, plus lumineuse et plus agréable que celle obtenue par le mélange direct des pigments. Par conséquent, le peintre pointilliste, se référant aux études susmentionnées, tend à juxtaposer des couleurs complémentaires, en les disposant comme des points de couleur pure sur la toile, qui sont ensuite "interprétés" par l'observateur par le biais du "mélange optique". En ce qui concerne le divisionnisme, cependant, ce mouvement pictural, qui s'est développé en Italie à partir de la dernière décennie du XIXe siècle, en s'inspirant en partie, sur le plan technique, du pointillisme français, découle principalement du courant de la "Scapigliatura Lombarda" et du décadentisme. En effet, dans le divisionnisme, les petits points néo-expressionnistes deviennent des coups de pinceau filamenteux, minuscules et vibrants de couleur pure, qui, en interagissant entre eux dans un sens optique, ont pour but de devenir les porte-parole d'intenses significations symboliques, religieuses, politiques et sociales, avec pour rôle de donner vie à un idéal de salut qui peut être atteint par l'art.

Van Lanigh, Des étincelles de joie, 2022. Sculpture, argile polymère / résine sur toile, 30 x 24 x 8 cm / 4,00 kg

Françoise Suzanne, Série on the track - pistes en terres africaines n°11, 2022. Acrylique sur carton, 80 x 60 cm.

Le pointillisme dans les œuvres des artistes d'Artmajeur

Le récit du pointillisme, bien qu'ayant atteint son apogée à la fin du XIXe siècle, se poursuit dans l'art contemporain, où nombre de ses concepts, idées et points de vue continuent de prendre forme à travers l'œuvre d'artistes populaires comme, par exemple, Miguel Endara, Ana Enshina, Kyle Leonard (K.A.L), Philip Karberg, Herb Williams, Jihyun Park et la célèbre Yayoi Kusama. Ce " renouveau " se poursuit également à travers le travail des artistes d'Artmajeur, comme en témoigne l'art de Dent-De-Lion Du Midi, Sophie Artinian et A-Criticart.

Dent-De-Lion Du Midi, Lundi | Seurat | Réimaginer l'art, 2021. Peinture numérique sur papier, 90 x 127 cm.

Dent-De-Lion Du Midi: Lundi | Seurat | Réimaginer l'art

Comme le suggère le titre même de l'œuvre, Lundi | Seurat | Réimaginer l'art est un "remake de début de semaine" de Un dimanche après-midi à l'île de la Grande, le chef-d'œuvre "bondé" de Georges Seurat, daté entre 1884 et 1886, qui est conservé à l'Art institute of Chicago. Quant à ce dernier tableau, il résume parfaitement les us et coutumes de Paris à l'époque de la révolution industrielle où, avec l'apparition du le travail salarié et l'usine, se sont imposés à la fois le temps libre comme temps social et la juxtaposition du temps et des lieux de travail avec la vie quotidienne. En effet, dans l'atmosphère dominicale que le maître français a capturée dans un parc des bords de Seine, on "respire" cette authentique ambiance de vacances qui, dans ce cas, s'exprime à travers les attitudes détendues des femmes qui se promènent à l'abri de jolis petits parasols, des rameurs qui se reposent après une compétition, des enfants qui jouent calmement, du singe apprivoisé tenu en laisse, etc. Lundi | Seurat | Réimaginer l'art, en revanche, nous permet de savoir à quoi ressemblerait le même endroit un lundi après-midi, dans le cadre temporel du XIXe siècle et de l'époque contemporaine, car, malgré le passage des siècles, de nombreux aspects unissent la vie d'aujourd'hui à celle des plus grands maîtres de tous les temps.

Sophie Artinian, Éternité, 2017. Huile sur toile, 60 x 60 cm.

Sophie Artinian: Éternité

Dans Éternité, une huile de Sophie Artinian, le pointillisme rencontre l'abstractionnisme, créant une "symphonie" de couleurs qui nous fait presque croire que nous voyons la silhouette de quelques montagnes, qui, idéalement placées dans la moitié inférieure de l'œuvre, prennent les teintes plus sombres de la toile. En outre, le chromatisme susmentionné, caractérisé par le triomphe des nuances de violet, de rose, de bleu et de bleu ciel, rapproche le tableau d'un chef-d'œuvre bien connu réalisé avec des nuances similaires et la même technique, à savoir La plage d'Ambleteuse à marée basse (1900) de Theo van Rysselberghe. Cette dernière œuvre fait partie d'une série de marines réalisées par l'artiste belge à Ambleteuse (France), qui, ayant le même point de vue que leur sujet, captent les variations de la lumière, de la marée et des mouvements de la mer. Enfin, tout comme Éternité, le chef-d'œuvre de 1900 est divisé en "bandes" de lumière, c'est-à-dire en zones plus ou moins lumineuses, construites à partir de taches individuelles de couleur pure, comme une mosaïque.

A-Criticart, Pixel Jordan, 2019. Dessin, conté / biros / crayon sur papier, 75 x 55 cm.

A-Criticart: Pixel Jordan

La contemplation de Pixel Jordan invite à formuler une pensée révélatrice : le pixel art représente, en un sens, la forme la plus répandue et la plus actuelle du "pointillisme". En effet, le pixel art, fidèlement simulé par le dessin de A-Criticart, est une forme d'art numérique qui, née dans les années 1980 de la popularité des machines à sous et des jeux vidéo, construit des images en contrôlant délibérément la position des pixels, c'est-à-dire ces petites unités de couleur qui constituent l'ensemble de l'œuvre. Ainsi, bien que les pixels puissent sembler être le résultat d'une évolution récente, ils sont en fait l'application moderne des mêmes théories du XIXe siècle qui sous-tendent le pointillisme. En conséquence, le Michael Jordan de A-Criticart pourrait représenter une sorte d'interprétation récente du portrait "pointilliste", dont les principaux chefs-d'œuvre sont des œuvres telles que le Modèle assis, de profil, étude pour les Modèles (1887) de Seurat, Jeune femme se poudrant (1890) de Seurat et la Jeune paysanne à sa toilette (1888) de Pissarro. Enfin, à la recherche figurative mise en œuvre par ces dernières œuvres, le dessin d'artiste d'Artmajeur ajoute un défi, la " basse définition " de l'image étant destinée à tester la capacité d'interprétation du cerveau humain.

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