Anastasia Shchurina, 2021, 2021. Peinture, Acrylique / Laque / Tempera sur panneau MDF, 75 x 55 cm.
Le genre de l'autoportrait
L'autoportrait est une représentation figurative que l'artiste réalise dans le but de s'immortaliser. Ce genre artistique, qui constitue une sous-catégorie du portrait traditionnel, est né en Italie dans le cadre du renouveau apporté par la recherche picturale de la Renaissance, inextricablement liée à la nouvelle conception anthropocentrique de l'individu. En effet, cette nouvelle exaltation de l'être humain a conduit les artistes à prendre conscience de leur rôle, en revendiquant l'importance de leur propre création artistique. Dans ce contexte, l'autoportrait est devenu une sorte de signature de la production, un outil par lequel les grands maîtres s'imposent dans leur œuvre. Ce changement dans la perception de sa propre valeur, et le désir de la mettre en valeur devant le public, est visible dans l'autoportrait emblématique de Dürer (1500), dans lequel le peintre se représente en Christ. Depuis lors, l'histoire de l'autoportrait a traversé les siècles, évoluant dans les styles, les perspectives de représentation et l'exaltation de l'introspection psychologique, comme en témoignent les portraits populaires de Titien, Rembrandt, Goya, Van Gogh et Warhol.
Katalin Macevics, Selfie, 2021. Acrylique sur toile, 59,4 x 42 cm.
Ivaan Hansen, Chippado et le singe smartphone, 2019. Peinture, acrylique / impression numérique / peinture numérique sur toile, 180 x 150 cm.
Le selfie : l'autoportrait contemporain
Chaque jour, près de 93 millions de selfies sont pris dans le monde, la plupart étant postés sur des plateformes sociales dans le but de récolter quelques likes. Mais sommes-nous sûrs que cette nouvelle "tendance", apparemment très superficielle, n'ont pas suivi des attitudes profondément ancrées, déjà investiguées par les plus grands maîtres du passé ? Nous pourrions répondre à cette question par une affirmation, précisément parce que l'obsession contemporaine pour l'image semble représenter une véritable forme d'expression personnelle, visant à poursuivre l'intention susmentionnée de célébrer et d'émanciper sa propre identité. En effet, déjà dans l'Autoportrait à l'âge de treize ans de Dürer, réalisé en 1484, l'artiste avait voulu s'exalter, s'immortalisant d'une manière plutôt spontanée et naturelle, ce qui est très proche des tendances de notre époque. Dans l'Autoportrait au manteau de fourrure, le même maître s'est également approché du monde contemporain, puisque, en soulignant son statut social, il a anticipé les personnes faisant des selfies, qui ont tendance à se présenter comme uniques et distingués, faisant étalage de biens et d'attitudes d'élite. En outre, les autoportraits et les selfies ont également en commun le fait qu'ils sont nés de l'idée, ou du désir, de figer une tranche de vie significative, malgré le fait que ces derniers soient souvent inauthentiques. Effectivement, les selfies sont le plus souvent construits, simulés et modifiés afin de véhiculer une image corporelle spécifique, qui, plutôt euphémique et autosuggestionnaire, est vraiment loin de la réalité. À l'inverse, Dürer n'a jamais idéalisé son apparence extérieure dans ses autoportraits, mais l'a représentée de manière littéralement hyperréaliste. Enfin, même si les selfies contemporains sont produits avec une fréquence élevée et souvent modifiés, ils visent à délivrer des messages similaires à ceux des autoportraits les plus emblématiques, car ils se font le porte-parole d'un désir inhérent à la nature humaine de documenter sa vie, sa personnalité, son apparence, son quotidien et ses sentiments.
Emilia Amaro, Il faut que ce soit vrai. Acrylique sur toile, 80 x 100 cm.
Emilia Amaro, Êtes-vous satisfait ?, 2013. Acrylique sur bois, 100 x 70 cm.
L'autoportrait dans l'art contemporain : "remakes", références aux classiques et innovation
Le travail des artistes d'Artmajeur est en mesure de nous fournir un instantané synthétique et exhaustif de ce que représente l'autoportrait dans le monde de l'art contemporain, un genre souvent expérimenté pour réinterpréter les célèbres chefs-d'œuvre du passé, se référer à la plus haute tradition et donner vie à des interprétations novatrices. Pour illustrer ce propos, il sera fait référence à la recherche artistique de Mathilde Oscar, Roman Rembovsky et Nikita Van Chagov.
Mathilde Oscar, Fumer Van Gogh, 2019. Photographie numérique, 60 x 40 cm.
Mathilde Oscar: Fumer Van Gogh
L'œuvre de l'artiste d'Artmajeur Mathilde Oscar retravaille le célèbre autoportrait de Vincent van Gogh de 1887-88, intitulé Autoportrait au chapeau de feutre, à travers le médium de la photographie et donc de manière innovante et hyperréaliste. Ce dernier tableau, conservé au Rijksmuseum d'Amsterdam, représente un tournant stylistique décisif dans l'œuvre du maître néerlandais. En effet, ce dernier, qui avait rencontré Paul Signac à Paris, réinterprète le pointillisme en construisant l'image à l'aide de larges coups de pinceau parallèles. En outre, la gamme de couleurs de l'œuvre est également nouvelle pour van Gogh, qui préférait l'utilisation de couleurs plus claires et plus vives et était clairement influencé par l'art de Gauguin et de Toulouse-Lautrec. Mais ce chef-d'œuvre est également emblématique en raison de l'expression grave dans laquelle le maître s'est dépeint : il offre au spectateur un regard intense et mélancolique qui, accompagné d'une bouche légèrement courbée, vise à rendre explicite son drame intérieur. C'est précisément cette souffrance palpable qui confère au portrait son fort magnétisme et son implication émotionnelle, le rendant unique. Dans ce contexte, la photographie d'Oscar est très proche de l'original, car le regard du modèle est fixé sur le spectateur, même si la bouche recouverte de fumée rend l'atmosphère plus mystérieuse que tragique.
Roman Rembovsky, Autoportrait, 2006. Huile sur toile, 100 x 90 cm.
Roman Rembovsky: Autoportrait
L'œuvre de l'artiste d'Artmajeur Roman Rembovsky est un autoportrait de l'artiste capturé dans son atelier, un lieu qui est indissociablement lié à une vaste tradition de maîtres tels que Rembrandt Harmenszoon van Rijn, Francisco de Goya et Amedeo Modigliani. Néanmoins, l'attitude de la recherche artistique de Rembovsky semble plus proche de celle de l'Autoportrait de Giorgio de Chirico de 1935, dans lequel l'artiste italien est immortalisé, pinceau à la main, regardant fixement le spectateur. Dans ce dernier cas, cependant, le maître semble presque pris par surprise au moment où il peint, alors que dans la peinture à l'huile de Rembovsky, le chevalet semble étrangement dépourvu de toile. Probablement, l'intention de ce dernier artiste est de préférer la célébration de son image, plutôt que celle de son activité. De même, de Chirico, dans beaucoup de ses autres autoportraits, a voulu exalter davantage son personnage, comme il l'a fait dans ses œuvres costumées. Enfin, les caractéristiques de la peinture à l'huile de Rembovsky la placent dans la plus haute tradition du portrait.
Nikita Van Chagov, Autoportrait d'un mentaliste, 2020. Olio su tela di lino, 52.1 x 47 cm.
Nikita Van Chagov: Autoportrait d'un mentaliste
Enfin, en ce qui concerne les autoportraits, qui représentent une version très personnelle du genre, nous pouvons citer le tableau de l'artiste d'Artmajeur, Van Chagov, intitulé Autoportrait d'un mentaliste. Cette peinture à l'huile, avec sa forte approche surréaliste, se veut un manifeste caractéristique et unique de l'identité de l'artiste, révélant sa véritable nature robotique. Cependant, cette volonté d'étonner le spectateur se retrouve également dans l'Autoportrait mou de Salvador Dali avec Fried Bacon, datant de 1941, qui offrait également une version inédite et imaginative de l'artiste.