Daniel Lalonde
Sociologue de formation, j’ai toujours été attiré par la matière brute, primaire, celle de première main, celle qui se dérobe au fil de l’informel.
En sociologie, l’objet d’étude est la matière observée et analysée à l’aide de différentes méthodes. J’ai toujours aimé l’observation comme technique de cueillette de données et d’analyse.
Les lieux publics sont de bons réservoirs d’informations et de matière. En captant des bribes de conversation dans un café, on enregistre plusieurs éléments d’information qui permettent de percevoir des fragments d’une histoire de vie, l’appartenance à une classe sociale, des aspirations, des intérêts, des valeurs ou un mode de vie.
Capter l’intérieur des gens, uniquement par l’observation. Sentir la joie, la tristesse, l’amour, la peine, la quête de sens, la solitude, l’isolement, l’angoisse et parfois la détresse. Sans mot dit, ces observations m’ont toujours fasciné.
La peinture est pour moi une forme d’écriture et d’observation. Je ne cherche pas l’innovation ou la maîtrise technique en arts, je tente tout simplement de rendre ce qui m’habite profondément par le biais de la matière, du mouvement et de la texture.
Les lettres sont des couleurs et des formes et la matière est infinie. Mes toiles sont des bribes de conversation que j’ai glanées ici et là et des bribes de conversation avec moi-même. Elles s’éclatent, se regroupent, se disloquent, s’éparpillent et racontent des histoires.
L’abstraction est propice aux histoires imaginaires…
Chaque peinture raconte une histoire dont l’interprétation est libre à chacun. On peut sentir, ressentir, aimer, haïr et ne rien ressentir. La création est avant tout émotive, subjective et personnelle. La couleur, les formes, les matériaux sont des outils de parole dont la composition est temporelle et spatiale.. Modeler un sentiment, une émotion ou une sensation est sans doute le plus grand défi dans la création.
Et comme une amie m’a si bien dit :
Chaque toile est une page que l’on tourne, une parcelle, un fragment de notre imaginaire. Il faut accueillir ce que l’on fait avec générosité. Je n’y arrive pas toujours non plus. J’aime ce que tu fais. Tu creuses, tu pioches dans cet espace fragile entre la tête, la main et la page blanche comme tous les créateurs. Le reste, le regard des autres est secondaire au fond. Nous allons vers d’autres pages blanches, émotions et plaisirs de créer, c’est déjà beaucoup.