Aurélia Cheret, l'inspiration vient de partout

Aurélia Cheret, l'inspiration vient de partout

Olimpia Gaia Martinelli | 31 mai 2023 8 minutes de lecture 0 commentaires
 

"Je crois que ça a toujours fait partie de mon quotidien. Petite, je voyais ma mère dessiner, peindre. Ma sœur faisait partie d'un club photo. Mon beau-père est batteur, mon oncle guitariste. De mon côté je faisais de la danse."

Qu'est-ce qui vous a poussé à créer de l'art et à devenir artiste (événements, sentiments, expériences...) ?

Je crois que ça a toujours fait partie de mon quotidien. Petite, je voyais ma mère dessiner, peindre. Ma sœur faisait partie d'un club photo. Mon beau-père est batteur, mon oncle guitariste. De mon côté je faisais de la danse. Je n’allais pas dans les musées (j'ai grandi dans un petit village de Puisaye dans l'Yonne, ça ne courrait pas les rues), mais avais accès à beaucoup de livres d'art à la maison ou chez la voisine.
Il n’y avait pas grand-chose à faire. Cela m’a permis d’avoir le luxe de m’ennuyer et de développer ainsi mon imaginaire et de créer. Je faisais beaucoup de photos au jetable. C'était magique d'attendre une semaine et d'enfin tenir la pochette avec nos photos dedans et de les découvrir. Adolescente, je me suis mise à la guitare. Nous avions un groupe avec des amies. Pour mes 19 ans, elles m'ont offert un reflex argentique et ça a été le début de l'aventure. J'ai délaissé petit à petit la musique pour la photo.
Et c'est aujourd'hui devenu une nécessité, un besoin constant de donner vie aux idées qui traînent dans ma tête, de m'exprimer, de me libérer de certaines émotions à travers cet art.


Quelle est votre formation artistique, les techniques et les thèmes avec lesquels vous avez expérimenté jusqu'à présent ?
J'ai mis un pied en faculté d'histoire de l'art, mais mon incapacité à parler en public m'a fait abandonner cette voie quelques jours avant mon oral. Je regrette un peu aujourd'hui mais j'essaye de me rattraper. Pour la photographie, je me suis formée au Campus des Métiers et de l'Artisanat de Bobigny en apprentissage pendant trois ans. J'ai pu y apprendre l'histoire de la photographie et la partie technique du métier. J'ai travaillé ensuite dans une boutique photo en Seine-et-Marne, ce qui m'a permis d'approfondir mes compétences côté labo, (retouche, développement, impression) et studio, tout en pratiquant la photographie sociale et scolaire.
Depuis 2018 je suis à mon compte et me consacre à mes projets personnels comme "États Dames" ou "Les Esprits de la Forêt" par exemple, autour du portrait et de la nature.


Quels sont les 3 aspects qui vous différencient des autres artistes, rendant votre travail unique ?
Ouah... Je ne sais pas. Ma vie, mon histoire, mon ADN ... ? Qu'est-ce qui peut me différencier des autres à part ça ? Quant à mon travail, je ne sais pas s'il est unique. On a beau avoir des parcours de vie totalement différents, on retrouve souvent des œuvres à la sensibilité proche. J'essaye de faire des choses originales, je n'aime pas la copie ou les modes des réseaux sociaux où dès que quelque chose marche, tout le monde le reproduit à l'infini. Mais on ne peut pas connaître le travail de tout le monde, et tout a déjà été plus ou moins fait. Le tout est d'être sincère dans ce qu'on a envie d'exprimer. De faire quelque chose qui nous ressemble et nous parle.

D'où vient votre inspiration ?
De partout. Enfant je collectionnais les photos et albums de Madonna et Mylène Farmer, je regardais leurs clips en boucle. C'est comme ça que j'ai découvert le travail d'Herb Ritts, David Fincher, Mondino. Je garde aussi des images fortes du magicien d'Oz, des films de Terry Gilliam, Baz Lhurmann, Jean-Pierre Jeunet, de nombreuses pochettes d’album notamment celles des Doors (Joel Brodsky), de Queen (Frank Kelly Freas), de Pink Floyd (Storm Thorgerson),... Plus tard, j'ai dévoré le travail de M.C. Escher, Sarah Moon, August Sander, Anton Corbijn, Elliott Erwitt, André Kertesz, Edward Steichen, Sebastiao Salgado, Anders Petersen, Robert Mapplethorpe, Antoine d'Agata et tant d'autres. J'admire Magritte, Turner, Rembrandt et Courbet en peinture, ainsi que le travail des artistes présents au Naia Museum. En littérature, c'est Dracula, Stephen King, Philip K.Dick et Fabcaro qui ont laissé des traces dans mon imaginaire. Sans oublier la nature, la musique et la danse mais bon la liste est déjà trop longue !


Quelle est votre démarche artistique ? Quelles visions, sensations ou sentiments souhaitez-vous évoquer chez le spectateur ?
Derrière mes images se cachent souvent des choses assez lourdes et personnelles. J'aime les transformer en quelque chose de plus léger, pouvant avoir différents degrés de lecture. Je préfère ne pas trop en dire sur mes intentions et laisser le spectateur libre de ses interprétations. J'aime quand mon travail raisonne chez l'autre, mais également quand il l'interpelle, l'interroge, quel qu'en soit la raison. Et quand le spectateur laisse libre cours à son imagination et se prend à rêver quelques instants dans mes images, alors là, c'est un vrai bonheur. Je me dis que je n'ai pas fait ça pour rien.


Quel est le processus de création de vos œuvres ? Spontané ou avec un long processus préparatoire (technique, inspiration des classiques de l'art ou autres) ?
Pour mes autoportraits, l'idée est très spontanée. Elle vient comme ça, parfois même en rêve. Je la note dans un carnet au plus vite. Et je la crée par la suite dès que j'ai du temps libre.
Pour mes esprits de la forêt, j'ai des textures en tête, des lumières. Je parcours la forêt à différentes heures et différentes saisons et me fais un stock d'images. Et je les crée ensuite selon mon inspiration et mon envie du moment.

Utilisez-vous une technique de travail particulière ? Si oui, pouvez-vous l'expliquer ?
Il y a une technique commune aux deux séries, c'est le collage. J'en faisais beaucoup quand j'étais ado, ça m'est resté, mais en version numérique. Je m'en sers pour certains de mes autoportraits qui sont le fruit du collage de deux photographies prises à l'aide du retardateur de l'appareil ou d'une télécommande. Pour mes esprits de la forêt, je colle ma photographie de base en symétrie à plusieurs reprises puis joue avec les superpositions également, jusqu'à ce que la créature m'apparaisse.


Y a-t-il des aspects innovants dans votre travail ? Pouvez-vous nous dire lesquels ?
Je ne crois pas. Au niveau technique c'est très simple, minimaliste, fait avec ce que j'ai sous la main, ou des choses bricolées pour l'occasion.


Avez-vous un format ou un support avec lequel vous vous sentez plus à l'aise ? Si oui, pourquoi?
J'ai un petit faible pour le format 30 x 40 cm et le papier fine art naturel texturé en coton ou en chanvre, mat ou perlé. C'est un bon compromis quand on n'a pas trop de place aux murs dans les petits espaces, et ça permet de profiter quand même des petits détails. Après, j'aimerais pouvoir imprimer du grand format pour mes esprits de la forêt, ils sont fait pour. Du 80 x 80 ou dépasser le mètre. Mais ça demande un certain investissement et de la place pour le stockage. Ce que je n'ai pas pour le moment. Un jour peut-être !

Où produisez-vous vos œuvres ? Chez vous, en studio partagé ou dans votre propre studio ? Et dans cet espace, comment organisez-vous votre travail créatif ?
Je produis mes œuvres chez moi. Dans mon petit salon. Je pousse les meubles pour l'occasion. Il faut que tout soit monté, photographié et démonté en trois, quatre heures maximum pour ne pas empiéter sur la vie de famille. Je fais mes tirages moi-même dans mon bureau-atelier, une petite pièce de la maison. J'y effectue également mes retouches, mes finitions,... et en musique, toujours !


Votre travail vous amène à voyager à la rencontre de nouveaux collectionneurs, pour des foires ou des expositions ? Si oui, qu'est-ce que cela vous apporte ?
Je suis quelqu'un d'assez sauvage et solitaire. La moindre sortie de mon cocon est déjà un voyage pour moi. Je fais quelques expositions dans la région. Je ne pars jamais très loin, mais c'est toujours une très belle expérience et de belles rencontres. Ça ressource et nous remplit de bonnes énergies.


Comment imagines-tu l'évolution de ton travail et de ta carrière d'artiste dans le futur ?
Je vis au jour le jour, j'ai du mal à me projeter dans le futur. Mais j'aimerais pouvoir en vivre un jour, c'est sûr, et avoir assez d'imagination pour continuer de créer encore et encore.
Dans un futur proche, je me vois continuer mes deux séries, oser plus de choses, me poser moins de question. J'aimerai exposer plus et dans de nouveaux lieux, cacher mes "esprits de la forêt" dans la forêt de Fontainebleau et transformer l'exposition en espèce de chasse au trésor. J'aimerais beaucoup pouvoir créer une pochette d'album aussi un jour.

Quel est le thème, le style ou la technique de votre dernière production artistique ?
Ma dernière création est un projet intitulé "Faire Face", exposé il y a peu. Des autoportraits sans visage, pour tenter de répondre à des questions du type : Tourner le dos peut-il être un moyen de faire face ? Faut-il montrer son visage à tout prix pour exister ? Doit-on perdre la face pour la retrouver ? Comment faire face aux autres quand on a du mal à faire face à soi-même ? Toujours de manière un peu décalée et absurde.


Pouvez-vous nous parler de votre expérience d'exposition la plus importante ?
Il s'agit de ma participation à l'été des portraits de Bourbon-Lancy. Ces rencontres internationales du portrait photographique ont toujours été un rêve que je pensais inaccessible depuis mes études. En 2021 j'ai décidé d'oser. J'ai envoyé trois photos et l'une d'entre elles, "Simulacres", a reçu une médaille d'argent du jury composé de 5 photographes MOF (Meilleurs Ouvriers de France). J'ai eu du mal à réaliser. Puis je me suis dit qu'il fallait peut-être que j'ose plus. Ça a été le déclic.

Si vous pouviez créer une œuvre célèbre dans l'histoire de l'art, laquelle serait-ce ? Et pourquoi ?
Je crois que ce serait l'œuvre d'August Sander, "Hommes du XXe siècle". Car c'est un projet monumental qui m'a toujours fasciné. Consacrer sa vie à photographier les gens de son époque de manière simple et objective. De la naissance à la mort, de l'ouvrier au bourgeois, homme, femme, enfant. Un travail fantastique, qui contraste avec notre époque remplie de portraits superficiels, de caricatures. "Humains du XXIe siècle" serait intéressant à faire pour retrouver la simplicité et la sincérité de l'humain d'aujourd'hui, sans artifice.

Si vous pouviez inviter un artiste célèbre (mort ou vivant) à dîner, qui serait-ce ? Comment suggéreriez-vous qu'ils passent la soirée ?

Je rêverais d'un dîner avec Sarah Moon, Patti Smith et Marie-Agnès Gillot. Les écouter parler de leur vie, leurs expériences, leurs rencontres, leurs combats. Et jouer de la musique, danser et créer ensemble. Un doux rêve !

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