Paysage d'illusion

Paysage d'illusion

Olimpia Gaia Martinelli | 31 oct. 2023 8 minutes de lecture 0 commentaires
 

Quand on a le temps de rêver un peu avec notre esprit, je veux dire, dans ces rares occasions où on ne travaille pas, pas en compagnie de gens, ou pas collé à des appareils électroniques compulsifs et intrusifs remplis d'images ou de vidéos...

 

Concepts de base du surréalisme

Lorsque nous avons le temps de fantasmer un peu avec notre esprit, je veux dire maintenant dans les rares occasions où nous ne travaillons pas, où nous ne sommes pas en compagnie de personnes ou d'appareils téléphoniques remplis d'images ou de vidéos compulsives et lancinantes, nous pouvons regarder notre environnement, parfois en l'animant, en le changeant ou en l'enrichissant avec le contenu de notre esprit, souvent associé au matériel que nous fournit notre inconscient, que les psychologues relieraient certainement à nos traumatismes infantiles les plus irrésolus. Ce que je viens de tenter d'expliquer a été accompli, par le biais de la peinture, de la photographie, de la sculpture, etc., par les surréalistes, dont l'art a également revisité en ce sens le genre du paysage, dans lequel ils ont canalisé l'inconscient, précisément pour libérer le pouvoir de l'imagination, trop souvent réduit au silence par l'exercice plus rationnel de l'esprit. 

En effet, selon les représentants du mouvement d'André Breton, c'est précisément en laissant ce dernier s'exprimer librement que l'on peut connaître les contradictions qui animent le monde, ainsi que l'essence des choses et le fonctionnement même de notre pensée, prêts à prendre vie dans une "super-réalité" parallèle. Les images issues de cet exercice, que l'on retrouve également dans le genre du paysage surréaliste, s'expriment parfois par le biais de l'illusion d'optique, destinée à faire tomber la frontière fragile qui existe entre l'illusion et la réalité, en nous faisant comprendre comment l'art permet de juxtaposer le réel et l'imaginaire pour nous les faire contempler à l'unisson dans une même représentation.

DIARY SERIES VII (2022)Peinture de Muhammet Bakır

LE BEL HIER DE MON DEMAIN (2023)Peinture de Nazabal.

Paysages d’illusion surréalistes

Pour démontrer ce qui a été dit jusqu'à présent, je laisse la parole à quelques chefs-d'œuvre de paysages de l'histoire de l'art, créés par des maîtres tels que Dali, Magritte et Ernst. En commençant par le premier, je commence par la description suivante : un paysage terrestre, situé près d'une étendue d'eau sillonnée par des bateaux, abrite, outre quelques montagnes, un plan d'eau, capable de devenir le centre de toute la narration picturale. Ce dernier abrite en effet trois grands cygnes, dont le reflet, renforcé par la présence d'arbres secs, se transforme en trois éléphants de face. Un homme, réalisé dans des tons qui s'apparentent à ceux des hauts plateaux bruns, semble presque faire partie de la scène avec sa figure statique et pensive, mais il est également présent dans la scène, tout en voulant pratiquement l'ignorer. 

Les Cygnes se reflétant en éléphants (1937), l'œuvre que nous venons de décrire, a été réalisée avec une composante supplémentaire du mouvement surréaliste, à savoir la référence fréquente à la réalité onirique, dans laquelle Dali, comme d'autres maîtres du mouvement, a reconnu l'expression la plus pure de l'inconscient de l'individu. En effet, c'est pendant le sommeil que le monde intérieur se déchaîne, révélé par des mécanismes associatifs détachés des règles de la vie quotidienne, que l'Espagnol a délibérément rendu dans un style hyperréaliste, soucieux de rendre les situations fantastiques aussi vraisemblables que possible. En outre, l'artiste, qui, comme nous l'avons décrit plus haut, a clairement utilisé le "truc" de l'illusion optique, matérialisé en particulier dans la présence animale et humaine, nous conduit à la description d'un autre chef-d'œuvre techniquement apparenté : Le Blanc Seing (1965) de René Magritte.

Dans ce dernier tableau, la superposition impossible des trois images représentées à l'unisson, comme celles de la femme à cheval, des arbres et de l'arrière-plan naturaliste, semble évidente, un résultat clair d'un artifice de vision, semblable à celui utilisé par Schuster pour sa célèbre "fourchette", une image prête à nous fournir des informations contradictoires, visant à contrecarrer une élaboration claire et stable du sujet représenté. Pour bien comprendre : lorsque nous regardons le chef-d'œuvre de Magritte, nous voyons à première vue une image dont les différents éléments sont réunis en un tout cohérent. 

Mais en y regardant de plus près, on se rend compte que, par exemple, le cheval ne peut pas être devant l'arbre et en même temps derrière l'arrière-plan. C'est précisément cette dernière impossibilité qui est rendue acceptable par mon esprit qui, dans chaque cas, est capable d'unir tous les éléments individuels de l'œuvre, générant quelque chose de cohérent, c'est-à-dire au-delà de l'incohérence prédominante. Nous arrivons enfin à La nature à l'aurore (1936) d'Ernst, une œuvre dans laquelle il n'y a pas de véritable illusion d'optique, mais une affinité chromatique telle que le monde végétal se confond avec le monde animal, prêt à prendre l'apparence d'un oiseau anthropomorphique, dont le nid, en réalité, ne réside que dans les fantasmes de notre inconscient.

En effet, le tableau traduit en peinture la conception personnelle du maître en matière d'inspiration artistique, dont les impulsions seraient nécessairement dérivées de pulsions érotiques irrationnelles, bien résumées par la figure de l'oiseau en question, saisi dans son intention de regarder longuement la figure féminine accroupie dans le coin inférieur droit du support. En outre, la relation entre l'art et l'inconscient se retrouve également dans le choix de l'habitat de la jungle, un lieu lié aux souvenirs d'enfance d'Ernst, quelque peu troublé par la vision d'un sujet similaire, reproposé par l'aquarelle de son père Philippe représentant le moine César d'Heisterbach en ermitage dans les bois. 

L'observation de ce dernier a été précisément suivie d'un désir de définir la forêt comme un environnement psychosocial, dans lequel la nature est transformée en une catégorie esthétique, dont l'expérience est définie par le peintre comme suit : "Le plaisir merveilleux de respirer librement dans un vaste espace et, d'autre part, l'impression oppressante d'être enfermé dans une prison formée par les arbres environnants. A la fois dedans et dehors. Libre et emprisonné". Enfin, le genre du paysage, toujours prisonnier des méandres de notre esprit, rencontre à nouveau les caractéristiques stylistiques du surréalisme dans les œuvres d'artistes d'Artmajeur tels que : Robert Inestroza, Andrey Kutilovsky et Gio Mondelli.

PARADIS PERDU ET TROUVÉ (2023)Peinture de Robert Inestroza

PARADIS PERDU ET TROUVÉ de Robert Inestroza

Les tourbillons marins se produisent lorsque des courants océaniques rapides, circulant dans des directions différentes, entrent en collision et commencent à tourner l'un autour de l'autre, de sorte qu'ils génèrent des phénomènes qui, en fonction du volume et de la force de la rencontre, présentent des étendues différentes. Il est très probable que le tourbillon capturé dans le paysage d'Inestroza soit un phénomène moins intrusif que le maelström plus redoutable du détroit de Saltstraumen (Norvège), considéré comme le plus puissant de la planète, car il se présente à une vitesse de 40 km/h, capable de générer des tourbillons de dix mètres de large et de cinq mètres de profondeur. Toutes mes hypothèses découlent du fait que malgré la présence d'un vortex bien visible dans Paradis perdu et trouvé, les baigneurs de la toile continuent tranquillement à prendre le soleil et à jouer dans l'eau, ayant peut-être interprété l'événement naturel néfaste de la même manière qu'un effet de massage à partir d'une pseudo-piscine. C'est précisément dans cette image contrastée, c'est-à-dire visant à montrer un danger réel sans conséquences dramatiques, que nous lisons l'apport du mouvement surréaliste au point de vue du peintre d'Artmajeur, dont l'œuvre témoigne souvent d'une vision contradictoire de la vie contemporaine, prête à mélanger stratégiquement le chaos et la poésie, la fragilité et la force, ainsi que l'éphémère et l'éternel. Tout cela est souvent présenté avec une extrême légèreté, prête à évoquer naturellement les événements du passé, à faire allusion à ceux du présent, tout en essayant de prédire ceux de l'avenir.

GROS ROCHER   (2022)Peinture d'Andrey Kutilovsky

GRANDE PIERRE d'Andrey Kutilovsky

Une île vibrante et habitée s'élève de la croûte terrestre pour flotter au-dessus de l'océan, peut-être explosée par ce dernier, à cause d'un tourbillon d'eau qui aurait dû au contraire déchaîner l'enfer dans l'œuvre décrite plus haut. En tout état de cause, la tempête de Kutilovsky se serait calmée, fixant sur le support une vision irréelle, mais plutôt calme, agréable et détendue du paysage. La composante surréaliste de l'œuvre en question, c'est-à-dire Big stone, semble assez évidente, mais en même temps déjà suggérée dans son concept de base par certains détails présents dans un autre chef-d'œuvre de l'histoire de l'art : la Tentation de Saint-Antoine de Salvador Dali. En effet, de la même manière que nous avons du mal à croire que le rocher peint par l'artiste d'Artmajeur puisse réellement reposer sur une base très mince de sol flottant, il est tout aussi difficile de concevoir que les architectures et les animaux du chef-d'œuvre espagnol susmentionné puissent réellement reposer sur des jambes très minces. Quoi qu'il en soit, dans La Tentation de saint Antoine, c'est l'immensité du message divin qui rend tout possible, en l'occurrence même les visions les plus troublantes et les plus fantastiques du saint. Ce dernier fait d'ailleurs de son mieux pour échapper aux images de promesses sexuelles et lascives en brandissant un crucifix, prêt à exorciser tout démon faisant désormais partie de sa surréalité.

L'ÎLE DE LA VIE (2006)Peinture de Gio Mondelli

L'ÎLE DE LA VIE de Gio Mondelli

Le chef-d'œuvre du peintre français Jean-Baptiste-Siméon Chardin, intitulé Les Bulles de savon et daté entre 1733 et 1734, représente un jeune homme soufflant une bulle de savon, un sujet emprunté à la tradition hollandaise du XVIIe siècle, à considérer, en raison de la nature éphémère de la bulle en question, comme l'une des allusions les plus typiques à la nature éphémère de la vie humaine. Si l'on considère le garçon présenté ci-dessus comme le créateur de la grande bulle de savon qui flotte dans le ciel des tableaux de Gio Mondelli, l'œuvre pourrait peut-être paraître plus réaliste, malgré la taille disproportionnée de la sphère susmentionnée, ce qui nous ramène consciencieusement au langage surréaliste. C'est précisément la référence à ce dernier qui a donné naissance à une composition paysagère calme et rêveuse, animée par la joie qui se dégage de la vision de la bulle de savon légère et insouciante, capable d'arracher un sourire surtout aux enfants, qui pourraient même vouloir toucher le support pictural pour essayer de la faire éclater. En ce qui concerne l'artiste d'Artmajeur, Gio Mondelli concentre son travail, toujours à la recherche de nouvelles techniques, styles et tendances à expérimenter, principalement sur le langage symboliste et surréaliste, à travers lequel il aborde surtout le genre du paysage, bien qu'il ne manque pas parfois de porter son attention sur des thèmes à la saveur plus abstraite.


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